Byzance
réunir d’autres éléments sur cette affaire.
Après le départ de Grégori, Haraldr et Maria se regardèrent pendant un long moment, puis Haraldr soupira.
— J’imagine que nous allons avoir une autre discussion.
Les yeux bleus de Maria brillèrent.
— C’est inévitable, non ?
— Vous êtes d’accord avec mon interprétation de ce renseignement, n’est-ce pas ?
— Bien entendu, c’est évident. Michel ne s’est pas avéré aussi malléable que Joannès l’espérait, et Joannès commence à se sculpter une nouvelle marionnette, dit-elle en faisant signe à l’eunuque de desservir son assiette d’argent. Je ne sais pas pourquoi il se soucie de cette formalité. Il joue déjà à l’empereur. N’a-t-il pas sa garde privée, maintenant ? Le Sénat n’est-il pas toujours en train de trottiner derrière lui comme un troupeau de moutons à toison d’or ?
— Je crois que c’est bien, répliqua Haraldr. Son pouvoir devient ainsi évident aux yeux de tous. S’il trompe le peuple, le peuple le tiendra pour responsable. Il ne peut plus se cacher derrière son habit de moine ou sa fonction d’orphanotrophe. Et je crois qu’il le sait. Il a fait des concessions importantes. Sous les auspices de Joannès, le Trésor impérial a financé la reconstruction de vingt pâtés de maisons au Stoudion. La distribution de nourriture au Stoudion est devenue un programme régulier de l’État, rien de commun avec ce que je faisais au début. Joannès examine même les registres des taxes thématiques pour découvrir les fraudeurs qui, en esquivant l’impôt, placent une charge injuste sur les épaules de leurs concitoyens.
— Et l’orphanotrophe impérial peut également annuler ces réformes d’un trait de plume.
— Non. Une fois que le peuple a bénéficié d’un allègement, il tolérera beaucoup moins facilement qu’on replace le même fardeau sur ses épaules. Si Joannès veut survivre, il faudra qu’il continue ces réformes.
— Je crois que Michel est absolument capable de réaliser les mêmes réformes, répliqua Maria. Regardez donc les juges de la cour impériale qu’il a chassés et ceux qu’il a nommés. Et son renvoi du stratège idiot et du cartulaire corrompu dans le thème d’Opsikion…
Haraldr écarta les bras avec une incrédulité feinte.
— J’ai toujours respecté les capacités de Michel quand il est motivé pour les employer. N’oubliez pas que je suis le premier à avoir attiré votre attention sur elles ; à l’époque vous avez prétendu que je me trompais.
Maria lui tira la langue.
— Ces deux hommes sont capables de gouverner Rome. La question est : lequel des deux la gouvernera ? Je ne crois pas que Michel soit capable d’écarter suffisamment Joannès du pouvoir pour régner seul. Cela impliquerait un courage qui ne fait certainement pas partie de ses capacités. J’ai moi-même failli être tué au cours d’une bataille et je vois bien que sa défaite contre les Seldjouks l’a dépouillé de tout son courage. Il m’a fallu des années pour retrouver le mien. Mais pour une raison que j’ignore, Michel n’a pas le ressort qu’il faudrait pour gagner dans ce genre de combat. Au mieux, il pourra régner sur un empire divisé de façon désastreuse.
— Êtes-vous en train de me dire que puisque Michel ne peut pas gagner, vous allez soutenir Joannès au cours de leur combat singulier ? Je n’arrive pas à le croire.
— Non. Je ne souhaite pas qu’il y ait ce combat. En fait, j’aimerais l’empêcher, ne serait-ce que pour maintenir le rôle sans doute de second plan mais important que joue Michel dans le gouvernement de Rome. Quand Michel sera vaincu, je serai incapable de le faire.
— Vous oubliez le vrai problème du gouvernement de Rome, lança Maria en frappant la table du poing. C’est Zoé, notre souverain, les autres vont et viennent. Et des deux hommes qui gouvernent actuellement Rome, Joannès constitue de très loin la menace la plus grave pour Zoé. C’est pour cette raison que je ne peux pas supporter la participation de Joannès à l’administration impériale, sous quelque forme que ce soit.
— Je n’ai certainement pas oublié l’importance et la sécurité de Zoé, protesta Haraldr. C’est justement là où je veux en venir. Plus Joannès se confond visiblement avec le gouvernement de Rome, plus il est impérieux pour lui qu’il parvienne à un accord public contraignant et durable avec Zoé. Je
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