Byzance
sur une perfidie de la part d’un serviteur de l’État.
Michel prit le document, l’examina attentivement pendant un instant, puis secoua la tête.
— Je ne connais pas ce Constantin je ne sais qui ! dit-il. Vous êtes le seul Constantin qui m’intéresse.
Son oncle lui lança un regard affligé.
— Ce Constantin-là, devenu magister de Rome, est un de vos cousins. C’est le petit-fils de mon oncle. Il y a un mois, il était cardeur de laine à Amastris. Votre autre oncle l’a installé dans la villa où vous étiez logé au temps où vous aviez le titre de césar.
Le visage de Michel devint de plus en plus pâle, ses genoux tremblèrent et Constantin dut le soutenir.
— Mon neveu, mon neveu, chuchota-t-il, ce n’est pas une défaite. Cela signifie simplement que vous vous êtes avéré trop capable, trop populaire auprès du peuple. C’est Joannès qui a peur de vous.
Michel se maîtrisa suffisamment pour répondre.
— Mon oncle, nous… Nous ne sommes pas encore assez forts pour agir. Je sais bien que mon appui du côté des commerçants et des artisans est… important mais Joannès a le soutien du Sénat, des dynatoï et des grands négociants. Et depuis peu, il s’est concilié la racaille du Stoudion si bien qu’ils refuseront de se soulever contre lui. Je me trouve entre Charybde et Scylla pour ainsi dire.
Constantin posa la main sur l’épaule de son neveu.
— Non. Vous oubliez que l’impératrice est également votre alliée, et elle peut faire échec à toute tentative de Joannès de soulever le Stoudion contre vous. Nous pouvons donc supposer que la racaille restera neutre dans ce conflit. Les grands négociants ont des ressources considérables et de l’influence, mais les petits marchands et les artisans sont en beaucoup plus grand nombre. Donc la partie est égale. Les dynatoï du Sénat prendront évidemment le parti de Joannès. Mais le reste du Sénat risque de vous suivre. Si nous parvenons à réunir un petit groupe de sénateurs modérés derrière nous dès le début, je pense que nous tenons le succès.
Les yeux de Michel semblaient vitreux et sa voix nerveuse, mais son visage avait repris des couleurs.
— Dois-je commencer à convaincre nos sénateurs ?
— Non, nous avons le temps. Dites simplement à l’impératrice ce que nous nous proposons de faire. Ensuite seulement, nous pourrons commencer.
Michel regarda Constantin avec l’expression d’un homme qui se penche au-dessus d’un précipice sans fond.
— Mon oncle, chuchota-t-il, pouvons-nous réussir ?
— Nous le devons, répondit Constantin.
* *
*
— Hétaïrarque Haraldr, lança Joannès en traversant à grands pas le vestibule vide de son immense palais. Vous pouvez voir que je n’ai pas encore fini de m’installer. Je n’ai même pas encore de lustres. Je passe si peu de temps au milieu de ces conforts, mais je n’ai pas le droit de négliger les bâtiments.
« Négliger les bâtiments ? songea Haraldr tandis que Joannès l’entraînait vers l’escalier de marbre. Est-ce pour cette raison que les forgerons renforcent les grilles de votre façade et que votre garde privée fait l’exercice dans la cour ? Apparemment, l’orphanotrophe a l’intention de céder le Palais à l’empereur et de conduire son siège depuis ici. »
La loggia du deuxième étage était inondée de la lumière tombant de la cour centrale ; les colonnes de marbre blanc de la Proconnèse s’ornaient de reflets d’or à l’endroit où le soleil les frappait. Joannès montra la cour en contrebas. Plusieurs centaines de gardes thraces lançaient leurs épées contre des mannequins de jonc placés en rangs parfaits.
— Vous savez de quoi il s’agit, hétaïrarque. Je ne vous importunerai donc pas avec des préambules flatteurs. J’ai l’intention de dénoncer les crimes de l’empereur contre le peuple et d’ordonner au Sénat de proposer un successeur pour occuper le trône.
En fait, la brutalité de la déclaration frappa Haraldr de stupeur. Intérieurement, il félicita Joannès de l’habileté et de la rapidité de son assaut.
— À Rome, l’empereur est la loi, répondit-il. Comment pouvez-vous vous attaquer légalement à lui ?
Joannès dévisagea Haraldr avec respect.
— Vous savez qu’à Rome la loi a de nombreuses interprétations. Je crois que le Sénat et le bas peuple trouveront que mon interprétation satisfait leur désir sincère de respect légal. Bien
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