Byzance
crois que je peux personnellement négocier un accord de ce genre.
Maria posa la main sur le bras de Haraldr.
— Faites attention. Vous vous croyez devenu expert dans les arts romains de la ruse et de la fourberie, mais vous n’êtes encore qu’un novice. Je vous crois trop naïf et confiant ne serait-ce que pour sonder vraiment l’esprit des Romains. Je suppose que c’est pour cette raison que je vous aime.
— Et si je parviens à cet accord ? dit Haraldr avec un soupçon de dépit dans la voix. Un engagement public que prendrait Joannès et qu’il ne pourrait plus renier par la suite sans se suicider ?
— Dans ce cas, je considérerai que ma Mère a été bien défendue, répondit Maria en se penchant en avant pour braquer sur Haraldr son regard incisif. Mais réfléchissez bien, estimé hétaïrarque. Vous dites que vous espérez empêcher ce combat singulier, mais si vous n’y parvenez pas ? Êtes-vous prêt à empêcher Joannès de gagner ?
— Oui. J’ai déjà parlé au nouveau grand domestique Camytzès, et ce n’est pas un homme de paille des dynatoï comme Dalasséna. Je crois qu’il défendra son empereur contre Joannès.
Maria s’avoua vaincue avec un haussement d’épaules.
— Je crois que c’est la seule forme de persuasion que Joannès comprendra. Bien. Nous pourrons bientôt commencer à nous inquiéter de votre trône. Je crois que je suis prête pour cette longue nuit du Nord, dit-elle en se levant.
— Nobilissime !
Michel tendit la main à son oncle Constantin et montra de l’autre le terrain de jeu de paume à cheval. On avait dressé un de ses trônes portatifs en bordure de la vaste pelouse verte, juste devant les portiques couleur saumon des appartements impériaux.
— Regardez ! Regardez ! cria Michel. Glycas est en tête.
Un groupe de cavaliers en tuniques courtes – bleu ou rouge – caracola devant eux à la poursuite d’une petite balle de bois rouge. Ils passèrent si près du trône impérial que de la terre éclaboussa les sénateurs présents. Un barbu en tunique rouge, monté sur un arabe d’assez petite taille, chargeait à la tête du groupe. Au moment où il arriva à la hauteur de la balle qui ralentissait, il souleva son maillet comme un étendard de bataille, fit mouliner le long manche de bois et avec un claquement sec envoya la tache rouge voler entre les deux pylônes de marbre plantés du côté nord du terrain.
— Glycas a marqué ! cria Michel.
Il sauta sur l’herbe et applaudit tandis que Glycas passait au galop dans l’autre direction.
— Majesté, dit Constantin d’un ton pressant.
Comme si son titre officiel de nobilissime lui avait réellement conféré les qualités qu’il suggérait, Constantin semblait avoir perdu beaucoup de sa mollesse, ses yeux étaient plus durs et plus incisifs.
— Oui, nobilissime ! dit Michel d’un ton superbe, comme une divinité en train de se complimenter d’une de ses propres créations – ce qui en fait était le cas. Vous ai-je dit, mon oncle, que je présiderai à un pentathlon cette semaine, le jour du Seigneur ? Je participerais bien moi-même à la compétition, mais comme vous le savez les affaires d’État ne sont pas compatibles avec les efforts de l’athlète. J’entends faire cependant quelques lancers de javelot.
Il porta son bras droit en arrière et fit mine de lancer un javelot imaginaire. Constantin entraîna Michel à l’écart du groupe des sénateurs et des eunuques. Il prit un document roulé dans sa cape, l’ouvrit et montra à Michel le papier couleur de pourpre.
— C’est votre signature, n’est-ce pas, Majesté ?
— Oui, ma signature et mon sceau. C’est la chrysobulle impériale que j’ai signée il y a deux jours pour créer un magister. J’ai découvert le pouvoir réel de Rome, et peu m’importe que ces dignitaires pleins de vent protestent que je réduis la valeur de leurs titres augustes en en créant un trop grand nombre. Oui, laissons hululer les magisters. Ce qui compte, ce sont les fonctions de l’État et non les titres de cérémonie. Et je peux vous assurer, mon oncle, qu’en ce qui concerne les charges de l’État, je prends les nominations très au sérieux.
— Je ne critique pas vos décisions, Majesté, répondit Constantin, sachant son neveu beaucoup plus malin qu’on ne le pensait – peut-être trop malin, dans les circonstances. J’attire votre attention, non sur une erreur de votre part mais
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