Byzance
bras.
— Pourquoi chanter déjà le chant des Walkyries tant que nous n’avons pas eu des nouvelles de Halldor ? Tout finira peut-être très bien.
Ils se retournèrent pour observer les cortèges, mais Jean, le chambellan de Haraldr, les interrompit.
— J’ai cru que c’était important. Vous avez reçu un colis de la part de l’orphanotrophe Joannès.
Haraldr et Maria se regardèrent, surpris.
— S’il m’envoie des présents, dit Haraldr, c’est qu’il est peut-être plus conciliant aujourd’hui qu’il ne le paraissait hier soir.
Il prit Maria par la main et suivit l’eunuque dans l’escalier en spirale.
— Où est ce cadeau, Jean ?
— Dans l’antichambre, monsieur. Une assez grosse horloge.
L’horloge à eau était un véritable monument, avec des colonnes de cuivre qui montaient à hauteur de taille, et une façade complexe représentant un temple.
— On dirait qu’il regrette son impétuosité, dit Haraldr. Ou peut-être est-ce simplement sa manière de me dire qu’il ne reste plus beaucoup de temps pour que j’accepte son offre.
Il renifla, intrigué.
— Vous sentez ? Est-ce qu’elle marche à l’eau ou au parfum ?
Il émanait de l’horloge des senteurs de jardin.
— Regardez si elle contient un message, dit Maria en montrant les portes qui donnaient accès au temple miniature.
Haraldr se baissa et tira sur les petits boutons ciselés. Les portes s’ouvrirent.
— Emmenez la maîtresse des robes hors de cette pièce, cria Haraldr à Jean.
— Qu’est-ce que c’est ? lança Maria d’une voix déformée par l’angoisse.
— Partez, c’est tout ! cria Haraldr.
Maria rougit jusqu’aux cheveux et laissa Jean l’escorter dans le corridor. Haraldr passa la main à l’intérieur du petit temple et en ôta le contenu inondé de parfum. Les traits étaient intacts. Comme il l’avait craint, la tête avait jadis appartenu au grand domestique Isaac Camytzès.
* *
*
La voix de l’empereur s’éleva vers les caissons dorés de la salle du Sénat.
— Calmez-vous, malheureux ! Prêtez l’oreille aux autres : ils valent mieux que vous. Vous n’êtes que lâches et pleutres. Vous ne comptez pas plus au Conseil qu’au combat. Nous ne pouvons ici, nous autres Achéens, devenir tous des rois ! Il n’est pas bon d’avoir trop de chefs : un suffit, le prince à qui le fils du perfide Cronos a donné le pouvoir et confié le sceptre et les lois pour qu’il règne.
Michel parcourut des yeux les bancs sénatoriaux vides. Il portait la robe de son office ainsi que le diadème impérial.
— N’est-ce pas là une citation d’Homère tout à fait appropriée, bande de fourbes et de lâches et de pleutres ! Ou devrais-je vous appeler « mes précieux enfants » ?
Il descendit du dais impérial et s’avança à grands pas le long des bancs vides comme s’il continuait de haranguer son auditoire imaginaire.
— Oui, mes beaux messieurs, dans quelques heures vous vous rassemblerez ici pour apprendre le nouveau destin que j’ai façonné pour notre empire. Vous apprendrez comment l’orphanotrophe Joannès, qui a rabaissé l’architecte de ce destin et s’est moqué de lui, qui a osé faire à ce noble empereur l’affront sans précédent de quitter la table impériale sans y être invité, a perdu le droit de partager les honneurs de ce destin. Quittez tout de suite vos palais, messieurs, parce que le tourbillon de l’histoire et les douces lyres de l’immortalité vous attendent.
Le visage de Michel était aussi rouge que les veines couleur de sang des colonnes de marbre qui l’entouraient.
— Venez, Rome, venez saluer votre Père et vénérer votre divinité !
Il respira à fond et cambra les reins pour frotter son érection au tissu lourd de sa robe impériale. Entendant des pas à l’autre bout de la salle, il tourna brusquement la tête.
— Nobilissime ! s’écria-t-il. J’ai trouvé un passage d’Homère qui prendra place aujourd’hui dans les annales des chroniqueurs et des rhétoriciens.
Il prit une pose, une jambe en avant, le pallium sur le bras gauche, le bras droit levé en un geste héroïque, un peu comme la grande statue de Constantin sur le Forum. Puis il remarqua la mine sinistre et le teint gris de son oncle, et sa pose se décomposa.
— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a, mon oncle ?
— Ils sont partis, répondit Constantin. Tous. Le Sénat entier, ainsi que le logothète du Dromos, le questeur
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