Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Byzance

Byzance

Titel: Byzance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michael Ennis
Vom Netzwerk:
dégagé aussitôt son poignard, mais il le tenait près de son avant-bras dans l’espoir de ne pas avoir à l’utiliser. Au mouvement soudain de son frère, Constantin avait rentré la tête dans ses épaules, par simple réflexe, mais il se dressait maintenant sur son divan, le visage luisant de sueur, les mâchoires légèrement tremblantes.
    — Discutons donc de trahison, mon frère.
    La menace de Joannès, prononcée d’une voix égale, maintint la salle tout entière pétrifiée. Haraldr était à côté de lui, presque au garde-à-vous. Constantin demeura immobile et l’empereur resta tapi sous la nappe.
    — Discutons donc de la façon dont vous avez déjà tué un empereur, lança Joannès, discutons de la façon dont mon frère Michel a été détruit par les fardeaux qui l’accablaient chaque jour : le fardeau de son beau-frère idiot et de son lamentable et pusillanime neveu, et le plus lourd de tous, le fardeau de son frère incompétent, Constantin. S’il ne vous avait pas porté sur son dos chaque jour, tous tant que vous êtes, il serait encore à mes côtés. Mon bon Michel t’a toujours méprisé. Il t’a méprisé pour la façon dont tu as assis ton gros cul dans la charrette que j’ai tirée d’Amastris à Constantinople. Mais jamais il n’a pu te haïr autant que moi. À chaque instant, j’ai maudit chaque fibre de ton corps bouffi. J’ai prié pour que tu cesses de m’être utile, pour que je puisse te jeter dans le caniveau comme un étron. J’ai prié si longtemps que j’ai enfin cessé de prier.
    Joannès se pencha en avant et ses bottes craquèrent dans le silence. Les yeux de Constantin luisaient d’effroi et de douleur, sa lèvre inférieure tremblait. Les paroles suivantes de Joannès ne furent qu’un chuchotement.
    — Et maintenant que Dieu ne m’écoute plus, je m’aperçois que mes prières ont été exaucées.
    Il bondit par-dessus la table, et son mouvement se refléta dans les yeux de Constantin. Haraldr saisit le moine noir par les hanches et le tira en arrière. Les bras de Joannès s’agitèrent avec frénésie mais Haraldr n’eut aucun mal à les immobiliser. Il prit dans ses bras la créature déformée qui se débattait et serra jusqu’à ce qu’il sente la violence se vider de Joannès comme l’air d’une vessie dégonflée.
    L’orphanotrophe se tourna vers Haraldr. Ses yeux défiaient toute imagination : ils semblaient se tordre dans leurs orbites sombres comme si des dizaines de minuscules asticots d’argent grouillaient dans son crâne.
    — Donc vous êtes l’un d’eux, lança-t-il, les dents serrées.
    Il s’écarta de Haraldr et parcourut des yeux pendant un long moment la masse des sénateurs immobiles et silencieux. Enfin il se retourna pour sortir. Il ne regarda pas Constantin mais lança un coup d’œil à l’empereur qui s’était rassis et regardait dans le vide, complètement perdu. Puis, violant le protocole prescrit, il s’éloigna de la table de l’empereur sans avoir pris congé, les bras le long du corps. Ses bottes claquèrent comme des roulements de tambour sur les dalles de marbre.
    Constantin suivit des yeux le dos noir de son frère. Quand il disparut, il cligna des yeux comme s’il essayait de mettre fin stoïquement à un grand tourment. Puis l’écho des bottes de Joannès s’estompa, et Constantin porta la pomme à sa bouche et croqua. Le bruit de la pomme s’entendit jusqu’à l’autre bout de l’immense salle silencieuse.
    * *
*
    Le principal entrepôt du monastère de Kauléas était une longue pièce voûtée. Presque tout le plâtre était tombé mais le sol de pierre avait été balayé. L’entrepôt contenait des centaines de grandes amphores de terre entassées en rangs parfaits contre le mur le plus long. Toutes étaient neuves et si impeccablement vernissées qu’elles semblaient un tissu vivant – la peau de grosses pastèques bien mûres. Chaque amphore était scellée avec une feuille de plomb pour préserver son contenu pendant des siècles. L’orphanotrophe Joannès avait réuni le Sénat de l’Empire romain dans cet entrepôt. Le lieu ne correspondait ni au protocole ni à la pratique – pas plus que la manière dont la plupart des sénateurs avaient été convoqués : des soldats de la Taghmata impériale les avaient tirés de leur lit au milieu de la nuit. Ils attendaient debout, drapés dans leurs capes pour se protéger de l’humidité glacée. La lumière des

Weitere Kostenlose Bücher