Byzance
pour blaguer avec ton Mar que la Walkyrie me conduise auprès de lui, cria Halldor à Ostenson. Ce soir, ton Mar est en train de boire avec Odin.
Ostenson se remit sur pied et sa tête passa au-dessus de la coursive.
— Menteur, cria-t-il, aucun homme ne peut triompher du champion d’Odin.
Halldor montra Haraldr.
— Cet homme l’a fait. Il l’a pris dans ses bras et il l’a offert à la mort en lui brisant les reins d’un seul coup.
Cette fois le rire, un gloussement doux et tranquille, vint du côté des jeunes nobles de Rus. Haraldr se demanda lequel de ces malheureux avortons pouvait trouver la situation amusante. Puis il vit le deuxième homme du Nord. Le géant à la carrure d’ours portait une cape de peau de bête. Il passa devant Vladimir et son entourage. Haraldr reconnut le visage aussitôt ; il éprouva le tourbillon soudain de la peur et ses genoux tremblèrent. C’étaient les mêmes sourcils en fuite, les mêmes traînées de blanc dans la barbe, l’horrible nez tronqué et les narines énormes, béantes…
— Je suis Thorir, qu’on appelle le Chien, dit l’Enragé de son étrange voix paisible. Je me souviens d’un Haraldr Sigurdarson, celui qui a sali sa culotte quand j’ai tué son frère. À l’époque, c’était un lâche, et il est encore lâche. Et un menteur. Mar Hunrodarson est encore parmi nous.
Haraldr et Halldor restèrent pétrifiés par le redoutable Chien. Ostenson en profita pour saisir les jambes de Halldor et le faire basculer dans la cale. Il lui lança sur la tête un seau plein de sable qui l’assomma, et dégaina aussitôt son poignard pour l’achever. Haraldr sauta dans la cale, saisit le bras d’Ostenson à deux mains et le brisa. Le craquement ressembla à un vieux tronc d’arbre sec qui se fend. Il traîna Ostenson hébété sur la coursive, plaça une main de chaque côté de son visage et le souleva.
— Ostenson, demanda-t-il, savais-tu que Mar avait l’intention d’abandonner la Moyenne Hétaïrie au milieu des Bulgares ? Si tu l’ignorais, je t’accorde cette chance de me supplier de vivre.
Le visage d’Ostenson rougit et ses yeux défièrent son adversaire. Haraldr, de l’antre le plus noir du monde de l’esprit, poussa un rugissement et brisa le cou d’Ostenson d’un seul geste. Il saisit le corps soudain inerte et, du milieu de la brume rougeâtre qui l’empêchait presque de voir, il lança l’énorme cadavre dans la mâture. La violence de l’élan était telle que le mât se brisa avec un autre craquement et se mit à pencher vers tribord. Le mât craqua de nouveau, tomba avec une grosse vergue et bascula par-dessus le bordage de tribord. Le corps écartelé d’Ostenson se trouva pris dans les agrès comme dans une immense toile d’araignée.
Les nobles de Rus, complètement affolés, sautèrent dans la cale pour se protéger. Haraldr, les yeux injectés de sang, se retourna vers le Chien. Il arracha son épée du fourreau avec un grincement terrifiant et bondit vers la lame meurtrière du Chien.
— Je suis l’un de vous, moi aussi, lança-t-il d’une voix de possédé. Mais je ne suis pas l’un de ces Enragés lâches à qui il faut deux compagnons pour tuer un roi de Norvège. Je suis Haraldr Sigurdarson, roi de Norvège. Quand nous commencerons, je te tuerai.
Il se souvenait des paroles du Chien à Stiklestad aussi clairement que si celui-ci les avait prononcées la veille.
La mâchoire de brute du Chien tomba comme celle d’un vieillard gâteux. Ses énormes épaules frémirent. Ses yeux semblaient des charbons éteints. Il s’écroula sur les genoux comme une statue de cire en train de fondre. Haraldr baissa vers lui des yeux sans pitié.
— Tu as raconté au monde pendant des années la façon dont tu as abattu un roi en combat singulier, puis forcé un prince à salir sa culotte. La moitié de cela est vraie, j’étais alors un lâche. Mais tu étais aussi un lâche, et tu l’es resté. Tu vas mourir en lâche.
Haraldr fit tomber sa lame sifflante sur l’énorme cou de la brute. La tête tressaillit, puis retomba sur la poitrine, retenue par une langue de peau. Du sang clair jaillit du cou tranché, puis le corps de Thorir le Chien bascula dans la cale. Le prince Vladimir hurla de terreur.
Haraldr hissa le prince de Rus sur le pont.
— Vous devez accepter les conditions du droungarios sans délai. Les bateaux armés du feu grégeois n’attendront pas éternellement votre réponse.
Les
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