Byzance
rester à bord et de prendre le commandement si quoi que ce soit se produisait, bien qu’il fût parfaitement confiant sur l’issue de sa négociation. Il fixa son épée à sa ceinture, et lança en riant :
— Je vous dirais bien d’enfiler votre byrnnie, Halldor, mais quand vous verrez ce prince de Rus, vous aurez tellement peur que vous sauterez dans la mer, et je n’ai pas envie de vous voir couler sous le poids.
Haraldr et Halldor accompagnèrent le fonctionnaire de Rus dans son canot et Haraldr prit les rames. Il aida les deux autres à passer par-dessus le bastingage du gros navire marchand puis se hissa à bord à son tour. Curieusement, le bateau avait l’odeur de Rus, mais il aurait été bien en peine de dire quel parfum produisait cet effet. Il leva les yeux. Des gouttes de pluie tombaient des ténèbres.
Vladimir attendait près du mât. Il portait un pectoral de bronze et était entouré par plusieurs boyards de Rus en armure, guère plus impressionnants que lui. Vladimir avait la petite taille et l’embonpoint de son père, la peau blanche de sa mère et les mains délicates de sa sœur. Son visage bouffi d’adolescent était envahi par de fins favoris blonds. Outre ses courtisans en armure, Vladimir était entouré de plusieurs gardes du corps massifs, des hommes du Nord qui attendaient dans le noir à la poupe du bâtiment.
— Tiens, lança Vladimir d’un ton ironique en penchant nonchalamment la tête. Haraldr Nordbrikt Sigurdarson, le lâche de Stiklestad. On fait les courses pour les Grecs maintenant, je vois…
— Comment va votre mère, Vladimir ? demanda Haraldr d’un ton aimable.
Il n’avait rien à prouver à ce pitoyable individu.
— Votre frère le chasseur de poules lui manque.
Haraldr eut du mal à garder son calme.
— Et Elisevett ?
— Elle est encore assise sur son petit cul et elle attend que vous reveniez l’épouser, bien qu’elle ait appris que vous êtes le célèbre trouillard de Stiklestad. Vous avez dû chasser le bon sens de son corps avec votre queue.
Haraldr s’avança, glissa les doigts sous le rebord inférieur de la plaque pectorale de Vladimir et le souleva du sol d’une seule main.
— Votre sœur m’était très chère. Si vous parlez encore d’elle de cette manière, je vous renverrai jusqu’à Kiev à la nage pour lui présenter des excuses. Maintenant, je peux vous aider à entrer dans Byzance si vous me promettez de veiller à vos bonnes manières, dit-il en reposant lentement Vladimir sur le pont. Le droungarios de la Marine impériale…
— Je ne suis pas venu supplier qu’on me laisse entrer, coupa Vladimir, apparemment peu touché par son humiliation. Je suis venu demander à la ville de se rendre.
Halldor éclata de rire. Haraldr parut beaucoup moins amusé.
— Pauvre fou ! Certains hommes du Nord de votre garde vous ont-ils enflé la tête de ces rêves de conquête, ou bien cette idée démente vient-elle de vous ? Quelle qu’en soit l’origine, je vous suggère d’y renoncer. Il y a devant vous dans la nuit assez de bateaux armés du feu grégeois pour transformer le Bosphore en un fleuve de feu.
Une autre voix venue de l’obscurité lui répondit.
— Et il y a assez d’hommes du Nord ici pour abattre les murailles de la Grande Ville.
L’homme du Nord s’avança le long de la coursive et releva le capuchon qui dissimulait son casque d’acier. Haraldr le reconnut sur-le-champ.
— Thorvald Ostenson, dit-il à l’ancien centurion de la Grande Hétaïrie. J’aurais dû deviner dans tout ceci la main de Mar Hunrodarson.
Il se rappela les dernières paroles mystérieuses de Mar avant de mourir. Ostenson s’inclina.
— Nous avons trois mille hommes du Nord et cinq cents hommes de Rus. À l’aurore, Mar attaquera les murs de l’intérieur de la ville et nous ouvrira les portes. Apparemment, il vous a épargné pour que vous puissiez fuir notre triomphe. Partez donc. Et laissez le pillage de Rome à d’authentiques guerriers.
Halldor se tourna vers Haraldr, incapable de retenir son rire.
— La dernière fois que j’ai vu votre Mar Hunrodarson, dit-il à Ostenson, il essayait d’imiter un pigeon prenant son vol. Sans succès.
Ostenson dégaina son épée.
— Espèce de mangeur de crotte de corbeau ! Je vais te conduire à Mar, tu verras si tu plaisantes avec lui !
Halldor fit un pas en avant et, d’une seule bourrade, envoya Ostenson plonger dans la cale.
— J’attendrai
Weitere Kostenlose Bücher