Byzance
bien fait d’ordonner à tous mes bateaux disponibles de prendre la mer.
Haraldr se tourna vers le nord. Ses deux galères s’étaient avancées à moins d’une portée de flèche du dromon, ce qui le surprit, mais il ne vit rien d’autre.
— Il ne me reste que deux bateaux, dit-il déconcerté. Je ne sais pourquoi ils se rapprochent, mais je peux vous garantir qu’ils n’ont pas l’intention d’attaquer sans mon signal.
Moschos s’avança et saisit Haraldr par le bras.
— Très bien. Grimpez là-haut. Et si vous affirmez encore que vous n’avez que deux bateaux, je vous remettrai mon bâton de commandement.
Haraldr s’arrêta au tiers de l’échelle de corde et demeura sans voix. Les coques sombres s’étalaient presque sur toute la largeur du Bosphore et, vers l’arrière, disparaissaient dans la brume. Il espéra qu’il s’agissait seulement d’un petit faux pli dans le tissu du destin. Il cria à Moschos :
— Ce sont des bateaux de Rus !
Haraldr étudia les bateaux plus attentivement avant de redescendre sur le pont. Les marins impériaux l’encerclèrent de nouveau.
— Je vous jure, dit-il à Moschos, que je n’ai aucun lien avec cette flotte. Ce sont des navires marchands de Rus.
— On peut les utiliser aussi comme vaisseaux de guerre, gronda le droungarios. N’est-il pas trop tard dans l’année pour l’arrivée d’une flottille de commerce ?
— Peut-être ont-ils été retardés par les Petchenègues, répondit Haraldr. Je suis persuadé que leurs intentions sont pacifiques.
La galère de Haraldr était arrivée à une cinquantaine de coudées par tribord et Halldor se mit à héler de la poupe.
— Droungarios ! Permission d’aborder.
Moschos aboya des ordres et les gueules de bronze en forme de lion de la poupe du dromon pivotèrent dans la direction de la galère varègue. Il accorda ensuite sa permission à Halldor. Les deux bateaux dérivèrent jusqu’à une dizaine de coudées l’un de l’autre dans les vagues de plus en plus mauvaises.
— Haraldr, cria Halldor, c’est la flotte de Rus commandée par Vladimir, le prince de Kiev.
Haraldr poussa un soupir de soulagement. Vladimir, le frère d’Elisevett, n’était qu’un bon à rien la dernière fois que Haraldr l’avait rencontré. Un lâche incapable d’attaquer un nid de souris.
— Droungarios, cria Halldor. Le chef de la flotte de Rus désire négocier avec le commandant de la Marine impériale.
— Je connais ce Vladimir, dit Haraldr. Croyez-moi, il n’est pas capable d’intentions hostiles.
Moschos secoua la tête.
— Tout ceci est trop bien conçu, grommela-t-il en se grattant la barbe. Voici ce que je vous propose en toute bonne foi. Allez me chercher ce Vladimir et ramenez-le-moi comme otage, et je n’attaquerai pas sa flotte avant que le préfet et le logothète du Dromos fassent leur enquête. En attendant votre retour, je garderai la maîtresse des robes à mon bord.
Haraldr se tourna vers Maria. De toute évidence, ce compromis plaisait à la jeune femme encore moins qu’à Haraldr, et il se demanda si elle n’allait pas enfin perdre courage. Il lui fit cependant signe d’accepter. Maria se précipita vers lui et s’agrippa avec une force surprenante.
— Non, lança-t-elle en tremblant. C’est impossible. Prenez-moi dans vos bras, supplia-t-elle. Prenez-moi. J’ai tellement froid. J’ai tellement froid. Il ne faut pas aller là-bas. Je ne vous reverrai jamais.
Ses dents claquaient, et à chaque mot ses traits se décomposaient. Elle se mit à pleurer.
Haraldr la berça et lui caressa les cheveux, sans comprendre ses pressentiments. Ce n’était que Vladimir. Ce serait réglé en une heure.
— Il le faut, répondit-il. Plus tôt je partirai, plus tôt je reviendrai à vos côtés. Chérie, souvenez-vous de ma promesse, ajouta-t-il en la forçant à relever le menton. Même si Satan est là-bas en personne, je reviendrai vous chercher.
* *
*
Les galères de Haraldr glissèrent vers le nord entre les rangées des navires de Rus. D’après le petit fonctionnaire de Rus aux yeux en amande, que Halldor avait pris à son bord, le prince Vladimir s’abritait au milieu de son immense flotte. Haraldr se demanda comment ce bon à rien était parvenu jusqu’au Bosphore avec un si grand nombre de bateaux encore intacts.
Le fonctionnaire montra un gros bateau de rivière identique aux dizaines de navires qui l’entouraient. Haraldr ordonna à Ulfr de
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