Byzance
gardes placés à l’entrée des pièces et des couloirs inspectèrent au moins six fois leur laissez-passer. Ils s’arrêtèrent enfin devant un édifice de la taille d’une maisonnette en marbre couleur de porphyre, d’un violet aussi profond qu’une prune mûre.
Deux Varègues en armure d’or s’écartèrent d’une porte et examinèrent les laissez-passer. Le topotérétès fit un signe de tête et s’écarta, les Varègues passèrent derrière Haraldr. La peur le saisit de nouveau ; n’avait-il pas décidé de chasser toute spéculation de son esprit et de laisser ces questions à Odin et à Kristr ? Mais qu’aurait-il pu ressentir en ce moment ?
— Accompagnez-nous, je vous prie, messire, dit l’un des Varègues en langue du Nord avec l’accent suédois.
La menace s’estompa légèrement et Haraldr entra dans une chambre d’un pourpre éclatant. Une demi-douzaine de Varègues se tenaient au garde-à-vous ; en face d’eux, un Varègue tournait le dos à Haraldr. Quand il se retourna, la hache d’or qu’il tenait contre sa poitrine scintilla.
Haraldr se raidit. Oui, il s’était préparé pour cette rencontre mais à présent, en face de Mar Hunrodarson, ses genoux se mirent à trembler.
Mar fit un pas. La hache se déplaça dans ses mains, et Haraldr entendit le claquement des ailes du corbeau. Mais Mar remit simplement la hache au Varègue qui se trouvait à la droite de Haraldr et lui tendit les mains en guise de bienvenue.
— Haraldr Nordbrikt, s’écria-t-il en lui prenant le bras pour l’attirer vers lui.
Haraldr ne put dissimuler la terreur dans son regard.
— Avant d’entrer, écoutez-moi, murmura Mar. J’ai appris qu’il existe un complot contre vous. Si vous avez reçu des menaces, il faut que je le sache.
Mar s’interrompit et attira Haraldr dans son regard glacé. Le reste du visage de l’hétaïrarque semblait parfaitement vide ; aucun sens caché, aucun sous-entendu. Comme s’il appartenait à un cadavre vivant ayant perdu son esprit mais non le rouge de ses joues. Haraldr se rappela que ce visage l’avait déjà induit en erreur une fois.
— Vous affichez vos doutes comme un étendard de bataille, reprit Mar. Mais vous n’avez rien à craindre de moi, sauf si vous avez l’intention de prendre ma place. Votre secret, je l’utiliserai comme bouclier pour me défendre, non comme une épée contre vous. Suivez mes avis, et mes plans nous profiteront à tous deux. Nous sommes des hommes du Nord…
Deux eunuques entrèrent dans la pièce par une porte de derrière et Mar s’écarta. Le plus grand et le plus âgé des eunuques portait une tunique de soie de couleur crème très lourde mais si finement tissée qu’on eût dit une plaque de métal. Le second, aussi splendidement vêtu, portait un bâton d’ivoire couronné d’un dragon d’or. Il était de petite taille, avec un menton fuyant marqué par une longue cicatrice juste au-dessous du coin de sa bouche.
L’eunuque à cheveux blancs tendit la main et palpa le tissu bleu de la tunique neuve de Haraldr, tissée dans la plus belle soie hellène. Il fit un signe de tête et l’eunuque à la mâchoire balafrée parla en langue du Nord.
— Haraldr Nordbrikt, je suis le grand interprète des Varègues. Le haut dignitaire qui m’assiste pour vous préparer à l’audience est le grand chambellan impérial. Écoutez vos instructions avec soin. Vous entrerez et vous prosternerez trois fois. Sur l’ordre « Keleusate », vous serez invité à vous relever. Votre Père désirera peut-être vous examiner. Si vous êtes interrogé, le grand chambellan fera un signe de tête quand vous serez autorisé à répondre. Vous pourrez regarder le visage de l’autocrate, mais vous ne lui exprimerez que révérence, humilité et gratitude. Quand l’entrevue s’achèvera, votre Père vous bénira du signe de la croix. Vous croiserez les bras sur la poitrine et vous vous retirerez immédiatement de la présence de la main du Pantocrator sur cette terre.
Haraldr s’attendait à être de nouveau conduit en présence de l’empereur et peut-être à recevoir une autre mise en garde de cette étrange marionnette pareille à un dieu que manipulaient un Varègue et un moine. Mais parler avec lui ! Haraldr pourrait regarder cet homme dans les yeux, entendre le timbre de sa voix et à tous égards discerner si c’était un homme capable de commander tous les hommes, ou un simple fantoche. Peut-être
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