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Cadix, Ou La Diagonale Du Fou

Cadix, Ou La Diagonale Du Fou

Titel: Cadix, Ou La Diagonale Du Fou Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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longue
portée, sont indiquées sur la carte celles de Ciudad Vieja, Arenilla, Puntilla,
Gallina, et les canons de 16 livres installés par les troupes impériales
sur le petit môle de Rota, devant le village.
    — À cette heure, l’obscurité et la marée nous aideront,
explique Pepe Lobo. Nous pouvons le faire bâbord amure, en serrant le vent jusqu’à
la basse de la Galera… À partir de là, nous tirerions des bords pour nous
rapprocher de la Puntilla et descendre ensuite le long de la plage, en
surveillant la sonde et en gagnant le plus possible au vent. L’avantage est que
personne n’attend d’ennemi de ce côté… Si quelqu’un nous voit, il mettra du
temps à se rendre compte que nous ne sommes pas français.
    Le second est toujours penché sur la carte, inexpressif.
Pepe Lobo remarque qu’il étudie avec attention les trois cercles au crayon qui
entourent le golfe sur son extrémité gauche. Le jeune homme ne dit rien, mais
le capitaine sait ce qu’il pense : trop de canons, et trop près. Pour
arriver sur son objectif, la Culebra devra se faufiler dans l’obscurité
en passant devant un nombre impressionnant de bouches à feu. Il suffira d’une
sentinelle méfiante, d’une fusée lumineuse ou d’un bateau de ronde pour qu’une
de ces batteries leur tire dessus à bout portant. Et les flancs de chêne du
cotre, rapide et léger comme une demoiselle, ne sont pas ceux d’un vaisseau de
ligne. Ce qu’il peut encaisser avant de couler est limité.
    — Qu’en penses-tu, lieutenant ?
    Le jeune homme fait un geste vague. Pepe Lobo sait que son
attitude serait la même s’il lui proposait de cingler directement sur Santa
Catalina et de tirer au canon sur les pièces de gros calibre du fort.
    — Si, quand nous y serons, le vent tourne, dit-il, ne
serait-ce que d’un ou deux quarts, nous ne pourrons pas nous approcher du
mouillage.
    Il a parlé avec son indolence habituelle. Avec toujours la
même distanciation technique. Et pas un mot sur les batteries. Pourtant, comme
son commandant, Maraña sait que si tout n’est pas réglé avant l’aube et si les
canons français les surprennent dans la clarté naissante, ni la Culebra ni sa problématique prise ne pourront sortir du golfe.
    — Dans ce cas, nous aurons joué de malchance, dit Lobo.
Nous passerons sans nous arrêter et voilà tout.
    Ils se lèvent tous les deux, et Pepe Lobo range la carte.
Puis il observe Ricardo Maraña. Celui-ci n’a fait aucun commentaire depuis que
le capitaine lui a confié son intention de reprendre le Marco Bruto. Toutes
ses questions ont été professionnelles, portant sur les manœuvres à faire en
mer et la façon dont équipage et navire doivent être disposés pour exécuter le
plan prévu. Maintenant, son étroite et élégante veste noire à longues basques
boutonnée jusqu’au col, le second arbore son air las coutumier ; comme si
ce qu’ils doivent accomplir dans les heures à venir n’était rien d’autre que la
routine habituelle. Une manœuvre comme il y en a tant, et aussi ennuyeuse.
    — Que disent les hommes ?
    Maraña hausse les épaules.
    — Il y a de tout. Mais les quarante mille réaux
supplémentaires et la perspective du butin de reprise aident beaucoup.
    — Quelqu’un veut retourner à terre ?
    — Pas que je sache. Brasero les tient à l’œil.
    — Prends ton pistolet, lieutenant. On ne sait jamais.
    Le capitaine ouvre un placard dans la cloison, prend une
arme chargée et la glisse dans sa ceinture, sous la veste. Il n’est pas plus
inquiet que d’habitude, mais il sait que c’est le moment délicat, avec
l’assurance de la terre proche ; quand on en est au tout début et que l’on
n’a même pas le temps de se poser des questions et d’en parler avec les
camarades. Un corsaire a beau naviguer sous le pavillon portant les armoiries
royales de la Castille et du León, il manque de la discipline rigoureuse de la
Marine royale, et la distance entre le mécontentement et la mutinerie est plus
facile à franchir. Après, une fois en mer, dans le feu de l’action, chaque homme
se conduira comme toujours, ne se souciant plus que de la manœuvre et du
combat. Luttant pour le navire et pour sa vie. Défendant ses intérêts. Tous ont
passé des mois à bord et supporté les pénuries et les dangers. On leur doit de
l’argent, et ils le perdraient en ne respectant pas le contrat d’engagement.
Trop tard pour revenir en arrière.
    Ricardo attend au pied de

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