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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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l’appelle. On a dumal à penser que, derrière lui, l’Amérique latine entière peut se révolter. Et pourtant c’est vrai.

    6 juin (ou 7)
    Olivier Guichard. Lent, lourd, mais rien de ce qu’il dit n’est indifférent. Il parle peu, avec des mots choisis et un vocabulaire juste. Son ton, sans être chaleureux, ne manque pas d’une certaine tiédeur. Son aventure gaulliste ? « Le gaullisme, dit-il, est une équation bizarre : il y a un mélange, chez chacun de nous, entre la politique et l’aventure personnelle. »
    Il parle de De Gaulle à l’imparfait, puis demande qu’on veuille bien l’excuser. Pour lui, de Gaulle n’est pas un père. Peut-être l’a-t-il été, mais il y a longtemps. Il nie, du fond du cœur, qu’il y ait pu avoir entre Pompidou et de Gaulle, à quelque moment que ce soit, la moindre brouille. « Même après le discours de Rome », assure-t-il.
    Il le nie parce que ça l’arrange, parce que son accord actuel avec Pompidou va mal avec sa fidélité au Général, cloîtré à Colombey.
    À chaque instant, le regardant, j’observe sa corpulence, sa stature, je me demande comment on se conduit quand on est le seul homme à avoir la taille du Général. Lui parlait-il, physiquement au moins, d’égal à égal ?

    10 juin
    Georges Marchais dans une assemblée-débat à Champigny. Il voulait ouvrir le parti à la discussion. Il y a là 200 personnes environ, qui ne cessent de le torturer : sur l’unité de la gauche, la Tchécoslovaquie, le niveau de vie en URSS, les libertés, les gauchistes. La salle, à égalité, je pense, est composée de militants communistes et de non-communistes. On ne l’épargne pas. Quelqu’un lui pose le problème de Roger Garaudy 4 .
    « Les désaccords étaient profonds, plaide Marchais. La Tchécoslovaquie n’a été qu’un prétexte pour lui. En réalité, il ne voulait pas de l’unité avec les socialistes. »
    Fallait-il pour autant l’exclure ? Garaudy n’avait aucune chance d’entraîner les communistes derrière lui. Il ne présentait en réalité aucun danger pour la direction du parti.
    « Nos électeurs ont très bien compris la position de la direction, dit Marchais. Nos militants pensent que le Parti communiste est un parti révolutionnaire, et que nous avons raison de le protéger de certains. »
    D’accord, mais difficile alors de plaider l’ouverture.

    18 juin – Jean-Jacques Servan-Schreiber à Nancy
    Il dit, avec un début d’ironie sur lui-même, à une femme qui, cabas à la main, fait son marché : « Madame, ne vous inquiétez pas, la Lorraine, maintenant, c’est moi ! »
    Ça pourrait être catastrophique, mais le ton, enjoué, presque badin, avec lequel il prononce la phrase, passe. Plutôt bien, même.
    Ce qui est inouï, c’est que la majorité pompidolienne a peur de lui. « Chacun de nous, aurait dit ce matin Olivier Guichard au Conseil des ministres, est menacé. »
    Diable ! La majorité est-elle à ce point fragile qu’elle se sente menacée par un homme seul ?
    Georges Pompidou a tort, en durcissant le ton, de créer de toutes pièces le « cas Jean-Jacques Servan-Schreiber ». Il eût mieux valu, d’après Chaban-Delmas, l’ignorer, le laisser tranquillement battre Roger Souchal 5 à Nancy, quitte à le récupérer, les élections passées.
    Car, enfin, de quoi s’agit-il ? D’un homme seul dans un Parlement où la domination de l’UDR est écrasante. Après tout, que craignent-ils ?
    « C’est un homme de la IV e  République, dit Chirac. Il n’ira pas dans l’hémicycle, il fera les couloirs. Et il va mettre un de ces bordels ! »
    Ont-ils si peur de celui qui a troublé leur fête ? Ne lui reproche-t-on plus aujourd’hui ses gaffes, qui devaient ne jamais en faire un homme politique ? Ont-ils donc, ces pompidoliens, de leur force uneimage si dérisoire qu’ils craignent de la voir s’effriter d’un coup au son de la voix de Jean-Jacques Servan-Schreiber ?
    Jean-Jacques Servan-Schreiber, c’était un nom, à peine un sigle, et Georges Pompidou en a fait en quelques semaines une sorte de héros national.
    Et, pour barrer sa route, qui lui dépêche-t-on ? Giscard, qui n’a pas pu ouvrir la bouche à Nancy, tant il y est peu populaire. Et Jacques Duhamel qui y va la mort dans l’âme, et qui donc y sera mauvais. Ce qui ne manque pas de piquant, c’est que Pompidou envoie sur place les amis d’adolescence de Jean-Jacques Servan-Schreiber, ceux qui,

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