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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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exclu vindicatif, violent, ayant préparé son coup de longue date.
    Dans la défensive, le PC est lourd. Déployant des chars comme pour une grande bataille, alors que des mitraillettes ou même des pistolets suffiraient – à condition de ne pas être à canon coudé.
    Je demande hier à Roland Leroy pourquoi ils en font tant contre ce vieil homme solitaire. Il me semble que c’est contre-performant. Roland Leroy fait mine de ne pas comprendre. Ils sont décidément – même Leroy, le plus intelligent – dans leur monde à eux, dont ils ne sortent pas.

    26 mai
    Week-end en Corrèze avec Jacques Chirac dont je prépare le portrait pour « Panorama », l’émission télévisée d’Olivier Todd pour Pierre Desgraupes. Je connais à peine Chirac, croisé deux ou trois fois à l’Assemblée, et ne sais de lui que ce que m’en a dit Maurice Faure.
    Avant de le rencontrer, je prends rendez-vous avec un ancien maire communiste de Chamberet : « J’ai vu Henri Queuille, j’ai vu Charles Spinasse, me dit-il, mais, celui-là, c’est le plus fort de tous. »
    De fait, rapide, efficace, cachant une apparente gaucherie sous la solidité d’un majoritaire sûr de sa puissance. Jeune, c’est un professionnel, habile à compter les coups, à déjouer les offensives ou à fomenter des complots. Il dit : « Je ne m’occupe pas de l’avenir, jamais. »
    Je lui réponds que c’est une façon d’y penser sans arrêt.
    Il poursuit pour devancer une de mes questions : « La loi anticasseurs était attendue dans la campagne. » Cela n’a pas l’air de lui poser problème. Pompidou était pour, voilà tout.
    Il ne pense qu’à convaincre, qu’à gagner. L’atmosphère dans laquelle il vit le rassure, puisqu’il pense qu’il suffit de rendre des services pour être élu. Et aimé.
    Il dit : « Ici, j’ai un copain », « Là, j’ai un ami », sans s’apercevoir qu’il couvre, sous ces mots commodes, depuis le bouseux du coin jusqu’au maire de petit village, celui qui le révère.
    Il quête le tutoiement, demande qu’on l’appelle Jacques, pensant sans doute que l’usage du prénom cachera le désert affectif dont il s’entoure. Et qu’il garde jalousement, domaine réservé de sa timidité surmontée.

    Deuxième enregistrement pour « Panorama ». Un personnage différent, peut-être. Moins gauche, et plus sûr déjà de sa séduction. Peut-être y a-t-il, dans cette façon qu’il a de « servir », une réelle gentillesse. Il raconte, drôlement, que tout son problème, dans la vie, a été de canaliser sa paresse. À la Cour des comptes, après l’ENA, il faisait d’interminables parties de bataille navale avec son « copain » Alain Chevalier. Au fond, la Corrèze et cette course aux suffrages, c’est un moyen, nous dit-il, d’orienter son « farniente » naturel vers une agitation plus vertueuse.

    31 mai
    Jean-Jacques Servan-Schreiber candidat à Nancy. Il sera élu, je pense, s’il ne multiplie pas les gaffes. Et s’il ne prend pas Nancy pour l’Élysée. Son activisme insupporte. Et la façon dont il se gâche lui-même par des peccadilles qui rendent les gens fous.

    6 juin
    De Gaulle en Espagne. Qui dira pourquoi c’est au Caudillo, doyen historique de sa génération, dernier autocrate pourrissant sur un trône qu’il n’a pas su quitter, qu’il réserve sa ou une de ses dernières visites ? Il ne manque plus à de Gaulle que de s’en aller rendre visite à Salazar.

    Vu Dom Helder Camara à Berlin. Curieux mélange de petit prêtre sud-américain, de vieille dame (il ressemble à ma grand-mère) et de guérillero urbain. Il parle de la violence de façon étrange pour un prêtre, et du sous-développement, qui, à l’entendre, permet tout, autorise tout, excuse tout. Il a fait, du fascisme au socialisme, un curieux chemin où Dieu est à peine présent, sinon par une interprétation socialiste de l’Évangile, interprétation toujours facile et qui n’est pas nouvelle. Le célibat des prêtres, la soutane ou pas, les dogmes, il s’en fiche éperdument. Il porte soutane, d’ailleurs, comme les abbés de son âge. Avec un incroyable accent, il profère quelques formules du genre : « la bombe de la misère » ou « l’imagination est la folle de la maison ». Je ne suis pas du tout sensible à son charisme.
    C’est une sorte de D’Astier de la Vigerie, quelques centimètres en moins. « L’archevêque rouge » : c’est ainsi qu’on

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