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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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fin décembre également, le pire effet outre-Atlantique.
    Le voyage en Amérique aurait sûrement dû être décommandé. Pompidou, toléré à Washington, a été hué à Chicago. Terribles images que celles que diffuse la télévision où l’on voit Pompidou et sa femme bousculés, violemment pris à partie par la foule. Inconcevable dans un voyage officiel. Si inconcevable d’ailleurs que Claude Pompidou a quitté immédiatement les États-Unis et que le président ne s’y est pas attardé.
    L’idée que le Président français, quel qu’il soit, puisse être malmené par des représentants d’un lobby, pour quelque raison que cesoit, m’est vraiment insupportable. Elle doit l’être à pas mal de Français, de gauche ou de droite.
    En France, les adversaires de Pompidou n’osent pas gloser sur ce voyage raté. La gauche se tait, l’UDR ne la ramène pas. Les seuls qui pourraient se réjouir de voir que les idées du Général ne sont pas au rancart seraient les gaullistes de gauche, Capitant et Vallon, mais ils détestent trop Pompidou pour lui reconnaître la moindre filiation avec de Gaulle.

    28 avril
    Vu Georges Marchais. Carré, bronzé, presque rouge. Veston beige et pantalon gris. Une sorte de décontraction – est-ce le nouveau veston ? – que je ne lui ai jamais connue.
    Cette loi anticasseurs a donc réuni la gauche contre les gauchistes. Au fond, c’est ce que Georges Marchais a toujours voulu. Y compris dans cet article de L’Huma , si inopportunément publié le 10 mai 1968.
    Ce qui parut alors une monumentale gaffe – voir la mise en accusation de Marchais, à l’époque, par Leroy – est peut-être en train de devenir, au PC, une preuve a posteriori de clairvoyance et de sens politique.
    Au fond, la lutte contre les gauchistes, c’est la seule chose qui préoccupe Marchais. Ça, et son goût du pouvoir. Depuis qu’il est devenu secrétaire général adjoint, précise-t-il avec une sorte de malice, il s’est détendu, ne donne plus l’impression de ronger son frein. Il est un autre.

    29 avril
    Réunion triste, dans un bureau du Palais-Bourbon, des organisations de gauche contre la loi anticasseurs.
    Je dis triste, parce que les couloirs étaient déserts, qu’il pleuvait sur les façades en réfection, que Claude Estier courait, solitaire, de la salle des Pas-Perdus à celle des Quatre-Colonnes avec un petit communiqué qui ne trouvait pas preneur.
    Au-delà de la tristesse du moment, ce qui est certain, c’est une sorte de complicité objective entre le PC et la Convention des institutions républicaines, un silence du PS qui se sent un peu piégé danscette affaire, et un activisme du PSU. De tout cela rien ne sortira peut-être.
    Mitterrand saisira-t-il la balle au bond, si on peut parler de bond ? Que faire ? Il a la chance aujourd’hui d’apparaître comme le porte-parole d’une opposition unie. C’est la première fois depuis 1968. Pour combien de temps ?
    Ce qu’il y a de plus surprenant, dans tout cela, c’est que la gauche existe, qu’elle est là, souterraine, prête à resurgir malgré le cinglant échec de l’année dernière. Mais pour quoi faire ?
    Et les communistes n’arrangent rien. D’autant qu’ils apparaissent aujourd’hui plus forts, plus astucieux que la gauche non communiste. Plus forts, ils effraient davantage. Cercle vicieux...
    Je rencontre Roland Leroy. Il me raconte comment, la semaine dernière, les organisations de gauche sont arrivées à un accord sur le texte de la loi anticasseurs, mais pas sur les modalités d’action envisagées, « la gauche de la gauche tirant à gauche, la droite de la gauche tirant à droite, et nous, les communistes, pour une fois au milieu ». C’est-à-dire refusant tout aventurisme : c’est le mot, sacro-saint, de Leroy, là où l’UNEF et le PSU sembleraient plutôt plus turbulents. « Ce n’est qu’un début, continuons le combat », conclut Leroy, citant non sans humour le slogan de 1968.

    29 avril (suite)
    Débat à l’Assemblée nationale sur la loi anticasseurs.
    Rapport du pauvre Claudius-Petit 1 . Étriqué dans sa petite veste bleue, il bafouille un peu sur les termes de la loi, qu’il connaît à peine. René Pleven 2 lui succède, massif, la voix sourde, axant plus habilement son propos sur les étudiants, le plus souvent pris à revers par les casseurs.
    Spectacle assez attristant : le cul-de-sac est complet. D’un côté, la majorité monolithique, qui a oublié

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