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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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courbe de Lecanuet part de très bas, de 2 %, mais elle monte régulièrement en novembre.
    Les sondages de l’IFOP sont plus favorables à François Mitterrand et Jean Lecanuet. Le vendredi 26 novembre, avec 10 % à Jean Lecanuet et 25 % à François Mitterrand, le général de Gaulle est crédité de 51 % seulement des suffrages.
    Autour de lui, on tente de le convaincre de sortir du silence hautain qu’il s’est imposé depuis le début de la campagne. Mais les sondages de l’IFOP impressionnent d’autant plus son entourage que Roland Sadoun est proche de la galaxie gaulliste.
    Certains poussent donc le Général à parler. Ce qu’il fait, bien tard, le 30 novembre à 20h45. Après lui, les ministres se sont mobilisés. Mais il est plus tard qu’ils ne croient. Le 3 décembre, les partisans du Général, catastrophés, apprennent que l’IFOP annonce le ballottage pour le surlendemain.

    4 décembre
    Aujourd’hui après la fin de la campagne officielle, François Mitterrand est resté à Paris, tandis que Lecanuet a regagné Rouen et le général de Gaulle Colombey.
    Mitterrand prend son temps pour dédicacer son livre, Le Coup d’État permanent , aux étudiants de Sciences Po. Avant de pénétrerdans la librairie bondée de la rue Saint-Guillaume, en face de l’Institut d’études politiques, il a dit à Georges Dayan, ordonnateur d’un calendrier que Mitterrand bouleverse toujours, qu’accompagne ce matin comme souvent Jean, son frère, médecin fidèle : « Georges, je n’y reste pas plus de dix minutes. Dans dix minutes, tu me dis : on s’en va. D’accord ? »
    Dayan, philosophe, a dit oui, comme toujours. Les étudiants – et les étudiantes –, font une fête au candidat de la gauche, qui, au bout de quelques instants, n’a plus aucune envie de quitter ce lieu béni des Dieux. Dix minutes passent lorsque Georges Dayan, qui a compris que le candidat était au milieu des jeunes le plus heureux des hommes, renonce à le rappeler à l’ordre du jour, et charge Jean de le faire. « Président, dit celui-ci timidement, il faut partir, vous avez votre train à prendre ! »
    François Mitterrand prend la salle à témoin : « Vous voyez, déplore-t-il, on veut déjà m’enlever à vous ! – Non, pas tout de suite ! » implorent les jeunes gens. Jean renonce et s’éloigne de quelques mètres. Une demi-heure passe. Cette fois-ci, c’est urgent : il faut partir pour la Nièvre. Jean remonte au front. Mitterrand, toujours aux anges, continue sans vouloir l’entendre de répondre aux questions de la jeune troupe qui grossit de minutes en minutes. « Laissez-moi, dit-il enfin, sévère, je sais ce que j’ai à faire, tout de même. »
    Jean et Georges Dayan se retrouvent sur le trottoir de la rue Saint-Guillaume et rient de bon cœur. Je m’étonne qu’ils trouvent çà drôle. Après tout, Mitterrand leur fait jouer le mauvais rôle. Ils me rassurent : c’est un scénario réglé entre eux depuis des années. C’est ainsi, m’apprennent-ils, que Mitterrand est toujours en retard.
    Ce soir-là, les états majors lecanuetistes et mitterrandistes se retrouvent, sans l’avoir cherché, à la séance de 22 heures des deux succès cinématographiques de la saison : Viva Maria et Les Tribulations d’un Chinois en Chine .

    7 décembre
    Je me pose pour écrire sur la folle journée de dimanche. Je n’ai pas eu le temps de le faire avant. Je reviendrai plus tard sur le mécanisme des institutions de sondage qui, pour le moment, m’est étranger : je sais qu’on leur communique, bureau après bureau, des résultats définitifs et qu’ils les accommodent comme ils le veulent pour en sortirdes estimations. À partir de 21h 30, les « fourchettes » – c’est leur vocabulaire – des deux instituts coïncident : celle du Général de Gaulle se limite à 38-52 %.
    À 21h43, j’ai bien noté, la troisième estimation d’Europe 1 indique le ballottage. Venant de Château-Chinon, François Mitterrand arrive au Cercle républicain, avenue de l’Opéra, où l’attendent journalistes et partisans, vers 22h15. Mitterrand s’adresse d’abord à ses amis qui le félicitent, sans savoir encore que son score atteindra ce soir-là 32 %. Puis aux journalistes, il dit, pensant à ses alliés et ayant déjà en tête le deuxième tour : « La victoire d’aujourd’hui est celle de toute la gauche et non de François Mitterrand. »
    Vers 23h30, Georges Dayan,

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