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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Mitterrand, parce que, celui-ci étant lesté des voix communistes, Lecanuet se demande comment il pourra rester fidèle à l’alliance atlantique. Et de Gaulle, trop anti-américain à son goût.

    10 décembre
    J-J S-S a trouvé la déclaration de Lecanuet trop sibylline. Il écrit son édito de L’Express aujourd’hui. Il l’adjure de préparer la fin du gaullisme et d’apporter ses voix à Mitterrand, ce qui diminuerait dans la victoire le poids des communistes. « Vous vous êtes brouillé au premier tour avec l’équipe de Mitterrand, vous allez vous mettre mal au second avec Jean Lecanuet... » lui fait remarquer quelqu’un.
    Tout au long de la semaine, pendant que Lecanuet réfléchit (il apparaît, me dit J-J S-S, que lui est pour le désistement en faveur de Mitterrand, mais pas la majorité des dirigeants centristes), les ralliements vont bon train : celui de Tixier-Vignancour, dès le dimanche soir, est le plus embarrassant. Pas pour Mitterrand, qui pense que toute voix est bonne à prendre. Et aussi ceux, plus attendus, des Républicains, comme Maurice Faure ou même, après le dîner de l’autre soir Jacques Duhamel.
    Mitterrand a choisi de ne faire que trois meetings entre les deux tours : Nantes, Nice et Toulouse, où il termine devant une foule inimaginable.
    Toute son énergie est consacrée, ces jours-ci, à la télévision et au duel qui l’oppose au général de Gaulle : les deux hommes ne débattent pas mais se succèdent. Sont-ce les 7 millions de voix qu’il a derrière lui ? François Mitterrand est bien meilleur que début décembre, et notamment cette façon qu’il a de sourire à contretemps, le clignotement de ses yeux, le tremblement, parfois, de ses lèvres, tout cela a disparu.
    Le général de Gaulle, lui, passe « en surmultipliée » dans une interview à Michel Droit, directeur du Figaro littéraire . Celui-ci, apprend-on, à cette occasion, était à l’Étoile, le 26 août 1944 aux côtés du Général. C’est en souvenir de ce moment-là que de Gaulle,qui n’a jamais accepté de se laisser interviewer par un journaliste, a pensé à lui.
    Michel Droit a été reçu le 10. Le 11 décembre, les deux candidats se font suite sur le petit écran, chacun pour une demi-heure.

    15-16 décembre
    Rendez-vous avec Jean-Luc Javal 13 à Matignon. Georges Pompidou est furieux contre le général de Gaulle et la façon dont il a préparé sa campagne. Avec des comités, me dit-il, confiés à un vieux compagnon et à deux vieilles dames ex-déportées de Ravensbrück. Avec des responsables locaux extérieurs à l’UNR, personnages en marge ou anciens compagnons de guerre.
    Le soir du premier tour, à Matignon, les invités, Florence et Guy Schoeller, Jacqueline et Christian Bourgois, Sagan, Greco ne savaient quelle contenance prendre. Les gaullistes de gauche n’étaient pas là. Les ministres sont paniqués par le ballottage. Ils multiplient dans le désordre des déclarations fracassantes. La mauvaise humeur de Pompidou, assez compréhensible je dois dire, s’explique-t-elle aussi parce que, comme le murmurent certains autres barons du gaullisme, il se serait bien vu candidat dès cette année ? Mon interlocuteur ne répond pas à cette question.

    19 décembre
    Fin de la récréation : de Gaulle 55 % ; Mitterrand 45 %. Dès vingt heures, cette fois, plus aucun doute. Au Cercle républicain, l’atmosphère est plus lourde, la déception se lit dans les regards. Mitterrand rejoint ses amis et quelques-uns des journalistes qui ont suivi sa campagne chez Georges Bérard-Quelin, l’influent patron radical et franc-maçon de la Correspondance de la presse, à son domicile, 4 rue de Bellechasse. Le buffet, comme toujours chez cet amateur de bonne chère est abondant et délicieux. François Mitterrand paraît moins triste que son équipe. C’est qu’il n’a pas cru lui-même un seul instant à sa victoire. En revanche, il mesure qu’il est aujourd’hui, à gauche, le seul homme d’avenir. Demain est un autre jour : il s’y prépare.
    1 - À l’époque où ce récit commence, Guy Mollet est secrétaire général de la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière) et Gaston Defferre maire socialiste de Marseille.
    2 - Olivier Chevrillon, maître des requêtes au Conseil d’État, est membre du Club Jean Moulin, fondé en 1958.
    3 - Jean Lecanuet, agrégé de philosophie, résistant, a été élu sénateur de Seine-Maritime en 1959. Maire de

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