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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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me cherchant des yeux parmi les journalistes, me demande si je peux lui rendre un service. Il faudrait aller chez lui, rue de Rivoli, alerter sa femme, Irène, et lui demander d’ouvrir la porte à un mystérieux visiteur qui doit s’y trouver à minuit précises.
    À peine ai-je eu le temps de prévenir Irène Dayan et de franchir la porte de son salon qu’arrivent Jean Daniel et Hector de Galard, rédacteurs en chef du Nouvel Observateur , précédant de peu Pierre Mendès France, qu’ils sont allés chercher en voiture à son domicile parisien.
    Mendès, qu’ils ont visiblement sorti du sommeil, – il est encore légèrement ébouriffé – n’est pas vraiment ravi. D’autant qu’il attendra près d’un quart d’heure l’arrivée de Mitterrand et de Dayan, qui ont échappé à la presse.
    L’entrevue est symbolique : PMF aurait pu, ce soir, être à la place de Mitterrand s’il avait voulu ou osé se présenter. Au contraire, aujourd’hui, c’est lui qui attend le héros de la fête.
    Elle est aussi journalistique, parce que les rédacteurs en chef de l’ Observateur espèrent publier un texte de Pierre Mendès France appelant à voter Mitterrand au deuxième tour. PMF n’est pas chaud. Je l’entends dire à Jean Daniel et à François Mitterrand, lorsque celui-ci arrive enfin, qu’il lui faut du temps pour écrire, et que ce temps, il ne l’a pas. Pas le temps non plus de faire une véritable tournée de meetings. Son calendrier est trop chargé : il répète à François Mitterrand qu’il le soutiendra sans défaillance, mais il ne signera pas d’article dans le Nouvel Observateur ni ailleurs.
    Tandis que les dirigeants du Nouvel Observateur repartent avec PMF, nous restons quelques instants avec Georges Dayan et Claude Estier dans le grand salon de la rue de Rivoli. Dayan, Irène et Estier s’indignent de la réserve manifestée par Mendès. Moi, je suis stupéfaite. Il aurait pu faire un geste, se montrer plus chaleureux. Mitterrand est, de nous tous, le plus compréhensif à son égard. Au fond, le connaissant mieux que nous tous, il n’en attendait rien.
    Sur les coups de 2 heures du matin, tout le monde se quitte. Lundi 6, il avait rendez vous avec son pépiniériste à Hossegor pour refaire son jardin. Il ne sera pas au rendez-vous.

    Mardi soir, toujours, un peu plus tard dans la nuit
    Le plus étonnant, lundi, a été la sorte de réveil des gaullistes. Chaban-Delmas l’avait d’ailleurs dit, dès dimanche soir à Europe, ou à Luxembourg, je ne sais plus : « Lorsqu’on veut être présent dan une élection de ce genre, il faut s’en occuper. »
    En refusant de faire campagne, et même que certains fassent campagne pour lui, en ne se montrant pas sur les petits écrans, de Gaulle a pêché par orgueil, il a sous-estimé les mécontentements accumulés depuis 1958, il est resté dans sa haine des partis, sa haine de Mitterrand, son mépris pour Lecanuet et le centre. En ballottage, comme tout un chacun : quel sacrilège !
    Mitterrand, en tout cas, ne perd pas son temps. Lundi soir, il a dîné avec Gaston Defferre, J-J S-S et Jacques Duhamel chez un ami commun, Georges Izard. Il ne leur a pas fait de cadeau, reprochant à Jacques Duhamel de l’avoir trahi et à Jean-Jacques de n’avoir pas été aussi chaleureux qu’il l’aurait dû. Mauvais début pour un rapprochement. À la fin de la soirée, semble-t-il, le climat s’est détendu. Lorsque Mitterrand est parti vers 11h, un lourd silence a accueilli son départ. Georges Izard, l’hôte du dîner, commence par s’excuser auprès de Jacques Duhamel. « Vous n’y êtes pour rien, lui disent Gaston Defferre et J-J S-S. Il y avait un abcès à vider, c’est fait. Demain, on va pouvoir parler. »

    Le lendemain, mardi, Mitterrand a réuni les 58 membres de son comité de soutien. L’enjeu, évidemment, ce sont les trois millions de voix de Jean Lecanuet. Où iront-elles, ces voix ? Se reporteront-elles sur Mitterrand, l’antigaullisme étant le plus fort ? Ou bien sur de Gaulle, les électeurs du centre penchant à droite ? Jean Lecanuet se désistera-t-il pour Mitterrand ? Est-ce possible ? Mitterrand ne le croit pas.

    9 décembre
    Réponse rapide du coté de Jean Lecanuet, qui, dans un appel pour le second tour est plus que prudent : « Je ne peux donner de conseil précis, dit-il, chaque Français devra se déterminer personnellement. » En gros, il renvoie les deux candidats dos à dos :

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