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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Docteur-Blanche. Au début, pas de problème : les maraîchers acceptaient de bonne humeur les embouteillages au petit matin. Et puis, aujourd’hui, d’un coup, le quartier entier proteste contre les entraves apportées à la circulation par le véhicule ministériel.
    À rapprocher du comportement inverse du chauffeur de taxi qui ne fait pas payer Mitterrand.
    Jacques Chirac me raconte hier au téléphone qu’à Bort-les-Orgues (Haute-Corrèze), où il tenait dimanche une réunion, on a donné un vin d’honneur et les gens ne lui ont parlé que de la télévision et des « scandales » de la publicité clandestine. Il juge que cela ne peut pas continuer. Chaban, selon lui, voudrait faire croire – ou laisser croire – que le seul reproche qu’on lui adresse tient à la libéralisation. Ce n’est, pour Chirac, qu’un habillage. Ce n’est pas du tout cela que sa majorité lui reproche : elle s’indigne plutôt de la façon dont elle est présentée aux téléspectateurs par les journalistes de l’information télévisée.

    11 mai
    Hier, séance à l’Assemblée nationale sur la télévision.
    Chemise bleue, cravate bleue, Chaban plaide pour sa politique de libéralisation de l’ORTF. Le débat est assez confus. Il est question du contingentement de la publicité, de la publicité clandestine, qui vient d’être mise au jour par un rapport au Sénat. En réalité, sur ce point précis, il n’est soutenu par personne, hormis ses amis proches : l’opposition, en la personne d’André Chandernagor, l’attaque et en profite pour faire un amalgame entre la publicité clandestine et les agissements financiers de Rives-Henry ou de Philippe Dechartre, tandis que les députés de la majorité regardent le bout de leurs chaussures pendant que Chaban parle.
    Le discours de Chaban passe si mal qu’un confrère, Robert Boulay, rigole à côté de moi : « Eh bien, il ne sera jamais engagé à Havas relations publiques ! »
    D’autant plus drôle que, dans les affaires de publicité clandestine, on a pu mettre en cause Havas...
    Le soir, coup de téléphone de Pierre Hunt : Chaban a parlé technique, pas politique, me dit-il. L’« autre maison » – comprendre : l’Élysée – en parlera, elle, dans 24 ou 48 heures.
    À l’Élysée, Xavier Marchetti, que j’appelle au téléphone, ne sait rien ou feint de ne rien savoir.

    11 mai
    C’est l’Ascension. Les bureaux de Jacques Chirac – c’est lui que je vais voir – sont déserts. J’attends dans le salon du ministère. Philippe Alexandre sort et Chirac m’accueille. Il me raconte cette scène extraordinaire qui s’est passée hier dans le bureau de Chaban en présence d’André Chadeau 16 et de Tomasini.
    Chaban demande à Chirac ce qu’il pense du débat de la veille :
    « Comment cela s’est-il passé ? interroge le Premier ministre.
    – Pas bien, répond Chirac. C’était très froid, il y avait trop peu de députés en séance. Et lorsque vous avez été attaqué par Chandernagor, tous les parlementaires sont restés dans les couloirs. Ils ne sont pas revenus dans l’hémicycle.
    – Vous avez raison, convient Chaban. Que feriez-vous alors à ma place ?
    – Je pense que le gouvernement tel qu’il est est fichu. Si vous voulez en finir dans la dignité, il n’y a qu’une chose à faire : vous êtes attaqué sur l’ORTF, alors agissez sur l’ORTF !
    – Renoncer à ma politique de libéralisation ? Vous n’y pensez pas !
    – Non, dit Chirac, ce n’est pas ce qu’on vous demande. Même si c’est injuste, il faut renouveler le personnel de direction de l’Office : le directeur général, le président du conseil d’administration, les directeurs de chaîne, tout le monde !
    – Je ne le ferai pas, aurait simplement répondu Chaban.
    – Eh bien, conclusion de Chirac, on en finira, mais pas dans la dignité. »

    Autre échange :
    « Mais que veulent-ils, les parlementaires ? demande Chaban 17 .
    – Ils veulent votre départ, répond Chirac sans ménagement, et avec vous celui des ministres les plus anciens du gaullisme. »
    Je n’ai, évidemment, aucun moyen de vérifier ce que Chirac me dit, mais ça me semble assez en phase avec le personnage, qui ne cache pas, même pas à Chaban, qu’il a un fil direct avec l’Élysée de Pierre Juillet et de Marie-France Garaud. D’ailleurs, il a dit la même chose, au mot près, à Philippe Alexandre.

    Je demande à Chirac si, au-delà de

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