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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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l’Assemblée nationale. Mitterrand ne peut plus voir les députés socialistes, avec lesquels, dit-il, il pique des colères inouïes quand il ne se surveille pas. « Qu’est-ce que je fouslà ? » demande-t-il à Maurice Faure. Puis, voyant passer l’un d’entre eux : « Regardez-le, ce cul 14  ! »
    Il trouve la majorité on ne peut plus discréditée. Pour la première fois depuis longtemps, les gens qui le reconnaissent dans la rue s’arrêtent et le félicitent. Ce matin, un chauffeur de taxi a refusé de lui faire payer sa course. Cela lui fait peut-être oublier la remontée du boulevard Saint-Germain en 1968 !
    Une odeur de scandale flotte sur la vie politique. Les gens ne comprennent rien à l’ORTF. Il pense, lui, qu’un remaniement est inévitable. Mais qui pourrait être Premier ministre ? Un haut fonctionnaire ? Peut-être. Ou alors, il faudrait que Pompidou organise des élections anticipées.
    « C’est probablement ce qu’aurait fait de Gaulle, dit-il.
    – Vous excluez totalement Giscard ? » demande Maurice Faure.
    Mitterrand ne l’exclut pas, mais il ne voit pas pourquoi un homme politique cohérent accepterait de prendre la tête d’une coalition qui perdra pour le moins 80 à 100 sièges aux prochaines élections. Ni Guichard ni Giscard, en tout cas. De toute façon, Chirac est en embuscade. « Ne croyez pas qu’il soit populaire, me dit-il. Il sera même très antipathique. Et puis il est un peu court. »
    Pour que je le comprenne bien, il répète :
    « Un peu court, je vous assure. Pas seulement jeune, brouillon et inefficace. »
    Nous parlons de Jean-Jacques Servan-Schreiber. Il a tenté, m’a-t-on dit, par l’intermédiaire de Jean Ferniot, de contacter le président de la République. Pour lui faire des offres de service ? Lui amener le Parti radical ou un bout du Parti radical ?
    Maurice Faure en a entendu parler, mais n’y croit pas. Il craint néanmoins l’éclatement du Parti radical entre minoritaires, qui veulent l’alliance à gauche, et partisans de Servan-Schreiber, qui freinent des quatre fers. Comme d’habitude, il reste optimiste : « Je crois, affirme-t-il, que nous pourrons reprendre le parti de l’intérieur. Les scissions affaiblissent toujours le parti scissionné. »
    François Mitterrand, qui ne désire pas rencontrer les radicaux minoritaires en tant que tels, ne peut pas, me dit-il, leur tourner le dos quand ils apparaissent à la Chambre. En outre, il sait désormais à quoi s’en tenir, notamment sur J-J S-S, et ne compte plus sur lui pour rejoindre les combats du Parti socialiste.

    Pour lui – et quoi qu’en pense J-J S-S, (geste rapide de la main pour évacuer de son esprit et du mien l’image de Servan-Schreiber) –, le PS d’Épinay a le vent en poupe. Il répète : « Ils sont vraiment trop cons 15 , les socialistes. Je le savais, bien sûr, j’étais assez pessimiste à leur sujet, mais ça n’était rien par rapport à la réalité... »
    Pourquoi cet énervement contre les parlementaires socialistes ? Sans doute parce que, depuis Épinay, ils sont les plus en retrait par rapport à la stratégie de Mitterrand. Beaucoup, dans leur circonscription, sont élus avec des voix du centre, contre les communistes : un rapprochement avec ces derniers ne leur dit rien qui vaille. Mais ils n’osent le dire. Quant aux autres, pusillanimes, ils restent plus proches de Guy Mollet et continuent de redouter l’« aventurisme » de Mitterrand.
    Celui-ci ne dit rien du calendrier futur ( calendrier , le mot est de moi, il déteste qu’on l’emploie, il me dit que c’est un mot « mendésiste »). Une fois de plus, mi-spectateur, mi-acteur, il attend son heure, le moment opportun.
    « Les hommes s’écroulent, dit-il en faisant mine, d’un mouvement circulaire de la tête, de balayer du regard l’ensemble du monde politique ; et nous n’y sommes pour rien. »
    « Nous n’y sommes pour rien » : c’est avec stupeur, presque avec colère qu’il me dit ces mots.
    La conversation prend un tour plus rigolo quand Maurice Faure rappelle ce qu’il nomme pudiquement le « caractère » de Pierre Sudreau, qui, en 1969, s’était vu un moment Premier ministre d’Alain Poher, et qui, au soir du premier tour, l’avait laissé tomber et avait pris la poudre d’escampette...

    10 mai
    Depuis des mois, Chaban gare pendant la nuit sa DS – ou plutôt celle de Matignon – dans l’étroite rue du

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