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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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tant d’affaires qui n’ont pas abouti : la réforme administrative, celle de l’ENA, etc. ».
    Mais Baumel ne me cache pas que vider Bresson 13 n’est pas facile. Il faudrait des preuves pour le vider, mais des preuves de quoi ?
    Solution à la morosité : « Il faut assainir le climat, briser les chaînes de cette fausse solidarité avec des crapules ! »

    7 mai
    Vu Roger Frey la semaine dernière. Sous sa fausse douceur, sous ces cheveux trop blancs, trop soignés, sous cette peau trop rose, cette voix trop basse, à peine audible, un tempérament de droite : il est allergique à tout ce qui n’appartient pas à la majorité présidentielle. Il se contente du fait que le référendum ait donné la majorité à la majorité. Optimiste, trop optimiste, sur commande. Sans croire à rien.
    Il me cite ce mot du Général à Macmillan qui protestait un jour parce que de Gaulle refusait l’Europe : « Alors, Frey, je lui ai dit : Ne pleurez pas, Milord ! »

    8 mai
    Déjeuner chez Chaban-Delmas. Il arrive au pas de course, entre dans le salon et shoote dans mon verre. Embarras, rigolade. Il en profite pour placer un petit couplet sur le football. Nous voici, dans la foulée, à table. Je le regarde. Le cheveu est gris, un peu trop calamistré, mais son œil est plus vert, moins foncé, plus ironique que je ne le croyais.
    À une question posée par l’un de nous (Pierre Rouanet) sur sa longévité au gouvernement, il répond d’une longue phrase où il nous dit, sans rire, que Pompidou ne se passera de ses services qu’après les élections de 1973. Et il parle de l’ORTF, qui cristallise l’animosité du groupe UDR autour de lui, en mettant sur le même pied la libéralisation de l’Office et de l’Information télévisée et la publicité clandestine, procès que, comme par hasard, ses adversaires au sein de la majorité viennent de rouvrir à point nommé.
    Pour lui, il veut nous en convaincre, le fond du fond, c’est la libéralisation de l’Office. Dont ne veut pas sa propre majorité. « Je me fous complètement du procès qu’ils me font dans ce domaine », dit-il. Il répète par trois fois : « Je m’en fous complètement ! Quand je suis arrivé au gouvernement, ajoute-t-il, n’importe quel sous-fifre du ministère des Finances était plus important que le directeur de l’ORTF. C’est cela que j’ai changé ! »
    Comme s’il parlait d’une autre république où il aurait succédé, à l’occasion d’une alternance, à un adversaire politique dont il aurait contré les projets. Mais c’est à Pompidou, à Couve de Murville qu’il a succédé, pas à Mitterrand ! Et dans la même république gaulliste !
    Sur ses projets de politique générale, l’essoufflement est évident. Ce qui lui cause problème, évidemment, il ne l’esquive pas, c’est sa majorité. Je lui demande s’il ne pense pas que, à force de lui avoir fait voter de force des projets de lois dont elle ne voulait pas, cette majorité a fini par se défouler comme elle pouvait, notamment sur la télévision.
    Il me répond oui de la tête avec un sourire empreint d’une ironie attristée.
    Le patron, pour lui, reste bien sûr le président de la République. Il ne peut pourtant ignorer que les coups les plus durs viennent de l’Élysée. Ou alors son aveuglement est insondable. Ce qui, à le voir et à l’entendre, n’est pas le cas. Mais, devant nous, sur ces sujets-là, il se tait.
    Des scandales financiers et immobiliers, il ne parle pas non plus. Pas même pour dire, comme Roger Frey, d’un ton affligé : « J’espère bien que la fin de cette législature ne va pas être consacrée à ces affaires minables ! »
    Bref, on le sent sur le départ, se refusant même à se dire menacé, content parce qu’il est resté, la veille ou l’avant-veille, un peu plus que de coutume au comité central de l’UDR. « Trois heures », précise-t-il. Mais serait-il resté trois heures à tous les comités centraux depuis qu’il est à Matignon qu’il n’aurait rien changé à ce fait fondamental : on ne fait pas faire une politique de centre gauche à une majorité de droite.
    Pendant tout ce temps, je regarde la salle à manger de Matignon. Les tableaux au mur ne représentent que des oiseaux. Parmi les toiles, un très beau naïf de l’école flamande de la fin du XVI e  siècle.

    9 mai
    Conversation à bâtons rompus avec François Mitterrand et Maurice Faure, cet après-midi à

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