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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Il n’en dira pas plus. Ferniot et moi, nous nous demandons si nous avons bien entendu l’ambassadeur. Pas de doute : il est le premier à nous dire que Mao est bien « fatigué ».
    L’après-midi, de 15 h 30 à 18 h 30, entretiens élargis Pompidou-Zhou Enlai. Michel Jobert les rejoint à 17 h 30. La rencontre est suivie d’un dîner tête-à-tête Zhou-Pompidou à la résidence de Pompidou. Au menu : sole meunière, gigot d’agneau, petits légumes,fromages et fruits pochés, tout cela arrosé de médoc. Sur la table, des roses venues de France.

    Vendredi , à 11 h 50, Pompidou à l’ambassade de France : coup de chapeau à Manac’h, à Air France et à la presse, à ceux des Français qui ont choisi la Chine, y ont longtemps vécu, y vivent.
    Jobert est en retard parce qu’il a participé, à Copenhague, à la réunion des ministres des Affaires étrangères européens. Il s’agissait de définir une position cohérente de l’Europe face aux États-Unis. Les Neuf ont rédigé un texte qu’ils communiqueront le 19 septembre aux Américains. Nous lui demandons ce que les Russes vont penser de ce voyage présidentiel en Chine : « Nous n’avons rien fait qui puisse gêner personne », assure Jobert, l’air malin.

    Conférence de presse de Pompidou, le 14 septembre, à 17 heures. Rien de très original dans le désir exprimé de « connaître non pas la Chine, mais un peu de la Chine et surtout des dirigeants chinois ». De Zhou Enlai, il dit assez plaisamment : « J’ai pu constater qu’il était très sage, très réaliste, et en même temps plein de vues d’avenir. Il m’arrivait de me sentir bien vieux à côté de lui, mais, à son contact, j’ai rajeuni. »

    Samedi matin, visite des grottes bouddhistes de Ta-Tung, en Mongolie intérieure.
    Conversation, dans les grottes entièrement peintes de couleurs vives, avec d’immenses fresques de Bouddha, entre Zhou Enlai et Pompidou.
    « C’est compliqué, le bouddhisme, observe Pompidou.
    – Oui, fait Zhou Enlai en montrant les murs gravés et peints, c’est pourquoi nous mettons tant de temps à les restaurer. »
    Zhou est entouré et parfois bousculé par les journalistes français. Les responsables chinois de la sécurité sont affolés. Zhou les calme d’un geste de la main. Nous parle dans un français nasillard : « C’est la première fois que je viens ici », nous dit-il. Incroyable mais vrai : nous avons visité les grottes de Ta-Tung à trois mètres de lui !
    Ah, ces bouddhas, leur sourire, leurs yeux fendus, leurs lèvres jointes, éternels et pourtant périssables...
    Avant de repartir, Zhou Enlai, avec une extrême courtoisie, remercie Pompidou de l’avoir amené jusqu’ici. Et s’engouffre dans sa voiture avant de répondre à la question que tente de lui poser Jean-Pierre Elkabbach : « Les journalistes chinois, commence celui-ci, ont été très heureux de la conférence de presse de Georges Pompidou... » Zhou l’interrompt : « Moi aussi », dit-il avant de disparaître.

    Hang Tchou, le 15 , puis Shanghai, le 16 .
    Wang Hong Wen, le maire, nous reçoit. Puis, devant l’hôtel, lorsque nous rentrons, nous trouvons Michel Jobert, tout seul (nous sommes avec Ferniot, Suffert, Galard). Il nous dit qu’un rapprochement sino-soviétique est toujours possible, puis nous parle longuement des dirigeants chinois. Ils sortent de leur sous-développement et sont, selon son expression, à la fois « très orgueilleux et très modestes » ; ils se posent effectivement, ironise Jobert, la question de savoir, lorsque les Français leur vantent les beautés du Concorde, si, sur leurs aérodromes où n’atterrissent que des avions à hélices, l’achat du Concorde est « une nécessité nécessitante », ou si la TV en couleurs est bien une aspiration populaire.
    Manifestement, Jobert comprend et partage les interrogations des dirigeants chinois, qui mesurent la distance qui les sépare encore du développement.

    17 septembre
    Oui, la Chine s’est déjà réveillée 22 . Aucun régime ne réussit à s’implanter de manière durable s’il n’a fondamentalement le soutien de la population et s’il ne fait pas référence à des traditions profondes du pays. Les traditions, on les retrouve partout. Dans la courtoisie et la politesse des gens, mais aussi au cirque et dans la danse, dans les rues, si gaies ; chez Zhou Enlai, élégant, distrait, attentif, serein puis tendu, violent,

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