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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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s’être déclaré trop tôt ou de s’être laissé repousser sur sa droite par Valéry Giscard d’Estaing. Mais il y a autre chose : un certain désordre règne autour de lui. Il a au moins trois états-majors. Chez lui, le soir, les réunions sont organisées par Simon Nora avec des banquiers, des technocrates. Avenue Charles-Floquet, au siège de la campagne, il y a les jeunes gens qui organisent son service de presse, les « gros bras » qui organisent ses meetings en province, son brain-trust politique. Mais les deux préfets qui doivent assurer la cohésion de l’ensemble, Philippe Mestre et André Chadeau, n’ont pas réglé leurs problèmes administratifs. Il faut dire que leur mise en disponibilité – dont dépend leur liberté d’assister un candidat en campagne – dépend du ministre de l’Intérieur, Jacques Chirac ! Du coup, Philippe Mestre se la voit refuser, et Chadeau s’en tire par une astuce : il prend son congé annuel rue Charles-Floquet, où il est en quelque sorte clandestin. Quant à Roger Frey, l’ami, le complice, le conseiller politique préféré de Chaban, il a été propulsé au Conseil constitutionnel par Georges Pompidou juste avant sa mort.
    Troisième état-major, enfin : rue de Solférino, où sont installés les comités de soutien.
    Chaban passe d’un bureau à l’autre, affichant toujours bonne humeur et conviction. Il est (presque) le seul.
    24 avril
    André Malraux est apparu ce soir dans le cadre de la campagne officielle de Chaban-Delmas. C’est une catastrophe ! Il a, paraît-il, été tiré du lit, tôt ce matin, pour enregistrer. Le visage agité de tics, plus marqués qu’à l’habitude, décoiffé, il propose de remplacer lesinstituteurs par des récepteurs de télévision ! Son apparition a terrorisé l’équipe de campagne de Chaban. Franchement, il y a de quoi...
    25 avril
    Nouvelle réunion des « 43 ». Dix sont partis, certains prétendant que Chirac leur avait forcé la main. Dix nouveaux sont arrivés. Chirac, pas du tout ému, rigole en me disant textuellement : « Le 6 au soir, il faudra veiller à ne pas être dépassé par le nombre de ceux qui se précipiteront pour rallier Giscard... »
    Son cynisme politique m’a toujours épatée.

    Rencontré longuement Pierre Messmer pour le livre que je prépare sur ces élections. Il est là, devant moi, à Matignon, avec ses yeux bleus et sa belle prestance, beaucoup plus simple, moins réfrigérant que je ne le pensais. À cette nuance près qu’il parle sur un ton et dans un français impeccable, presque archaïque. Et en multipliant les : « Je ne peux pas ne pas penser », « Il ne faut pas exclure l’idée », entre autres précautions oratoires.
    « J’ai toujours refusé, vis-à-vis de moi-même et des autres, de me poser en successeur d’un homme dont le mandat devait durer deux ans de plus. Le faire n’aurait pas été loyal. C’eût été entamer l’autorité et la crédibilité présidentielles. Je n’avais pas d’effort à faire pour respecter les institutions. »
    Pourquoi Pompidou a-t-il voulu changer le septennat en quinquennat ? Pour se l’appliquer à lui-même, parce qu’il se savait malade ?
    « Je ne peux pas exclure l’idée qu’en fin de compte son expérience personnelle, l’état de fatigue dans lequel il était, n’aient amené le président à prendre cette décision. »
    Il me raconte comment il a vécu le congrès de Nantes, l’année dernière : « Je suis arrivé dans l’état d’esprit de soutenir l’action de Georges Pompidou à la présidence de la République. J’ai constaté que ce n’était pas l’atmosphère qui prévalait à Nantes. J’ai été le seul qui ait réussi à le faire applaudir. J’ai également constaté que les assises avaient une inclination pour Chaban. Pourquoi ? Parce que personne n’avait idée d’un autre candidat que Chaban à la future élection. Si j’avais voulu m’y opposer, j’aurais dû livrer bataille. C’étaitpossible, mais cela aurait présenté quelques inconvénients pour l’unité de l’UDR.
    « Chaban, poursuit-il, s’appuyait sur les sondages. J’ai, moi, des réserves vis-à-vis des sondages. En général, ils sont faits correctement, mais il est extrêmement difficile d’interpréter, par exemple, les sondages de popularité d’un homme politique. Chaban, lui, y croyait. L’après-midi où il s’est déclaré candidat, il a voulu me mettre devant le fait

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