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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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accompli en annonçant sa décision à 16 heures alors que je l’avais convoqué à 18 heures. Le seul argument sérieux que Michel Debré et lui avançaient était : “Tout ce que vous nous dites sur l’unité est bien, mais Chaban a de bien meilleurs sondages que vous.” Les autres arguments étaient : “Si vous vous présentez, Edgar ne se retirera pas, et Giscard pas davantage.”
    « Dès le premier jour, poursuit Messmer, j’ai tenu ce raisonnement à Jacques Chaban-Delmas. Je lui ai dit : il est exclu que je me présente envers et contre tout.
    « “Je suis le meilleur, me disait-il.
    « – Jacques, si vous êtes décidé, je n’irai pas, car je ne veux pas donner à la France le spectacle de deux Premiers ministres opposés l’un à l’autre.” »
    Il parle maintenant de Giscard : « Je n’ai jamais douté de la parole qu’il m’a donnée de se retirer si je me présentais. Après cela, si je ne présentais pas une candidature unitaire, il ne pouvait pas reculer : c’était fini pour lui. Pour moi, en revanche, ne pas me déclarer ne brisait pas mon avenir politique. Ce n’était pas le cas de Chaban, ni de Giscard, ni – j’ajoute – de Mitterrand.
    « C’est la journée du jeudi qui a été décisive : c’est ce jour-là qu’il était possible ou non de réaliser l’unité. Je pensais que j’avais peu de chances de retourner la situation, mais je pensais que, dans une situation de cette gravité, j’avais le devoir de prendre le pays à témoin.
    « Chacun, dans une crise de ce genre, doit prendre ses responsabilités. Moi, j’ai pris les miennes, comme lorsque j’avais été parachuté au Tonkin : je savais que c’était idiot, mais j’y suis allé. Aujourd’hui, les blessures sont profondes et mettront du temps à se cicatriser. »
    Une dernière question : son avis sur les « 43 » ?
    « Cela ne m’a pas étonné. Je savais ce que voulait faire Chirac. Ma réponse est que je pense que, dans une bataille, il faut se joindre à ses amis, il faut se battre, quitte à changer de général et d’état-major après. »
    25 avril
    Vu André Mousset, qui fait fonction de porte-parole de Giscard. Un drôle de personnage, plutôt sympathique, très giscardien d’allure, si tant est qu’il y ait une allure giscardienne. Un je ne sais quoi d’aristo mâtiné de modernisme.
    Il me dit que, depuis 1967, il était sûr que Giscard serait candidat. En 1969, ce dernier en avait eu la tentation, mais c’est un homme tout à fait capable de calculs, et il s’est alors rendu compte que son groupe politique ne le suivrait pas, que c’était un peu tôt dans sa carrière pour aller défier Pompidou. « Enfin, il hésitait sur lui-même. Et, dans ce cas, il n’en a parlé qu’à Ponia. »
    Il m’explique qu’il y a des degrés dans les confidences de Giscard. Une confidence du premier degré, il peut la faire à d’Ornano et à quelques proches. Mais, s’il a un doute sur lui-même, il n’en parle qu’à Michel Poniatowski.
    Savaient-ils Pompidou malade ? Et depuis quand ? Les deux hommes, me dit-il, savaient qu’il était malade, et gravement. Ils le savaient condamné depuis quelques mois, mais ils ignoraient évidemment l’échéance. Poniatowski a été mis au courant de l’aggravation de la situation le mardi 2 avril dans l’après-midi : c’est lui qui a prévenu Giscard, lequel est rentré tout de suite des sports d’hiver. Ponia a vu Giscard à 1 heure du matin, dans la nuit du 2 au 3. Ils ont passé une bonne partie de la nuit ensemble. Ponia a poussé Giscard à se présenter : « Cette fois-ci, lui a-t-il dit, c’est ta chance. »
    Ils étaient l’un et l’autre convaincus, depuis le congrès de Nantes, que Chaban allait se présenter. « Giscard d’Estaing n’a jamais cru aux chances de Messmer, car il pensait que Chaban irait jusqu’au bout. Cela dit, Giscard a fait savoir qu’il obéirait à Messmer. Il l’a fait d’autant plus facilement qu’il ne croyait pas au retrait de Chaban. Ponia avait vu plusieurs fois Guichard, depuis quelques mois. Il était parfaitement au courant des intentions de Chaban. »
    Les relations de Giscard avec l’UDR ? Mousset réfléchit. L’analyse de Michel Debré et d’Alexandre Sanguinetti sur la survie du gaullisme lui a toujours semblé fausse. L’analyse de Giscard, elle, était différente : il se disait que l’UDR n’avait de fonction qu’autant que de Gaulle était

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