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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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entraîner ses députés à réaffirmer leur confiance à Chaban. Dans cette atmosphère, Chirac apparaît comme l’accusé principal, même s’il plaide qu’il a toujours voulu sincèrement l’unité de candidature, d’abord autour de Messmer, la première semaine suivant la mort de Pompidou, pour empêcher Giscard de se présenter. Aujourd’hui, dit-il, c’est différent : que deviendra l’UDR si Giscard est élu président au soir du 19 mai et si jusqu’au bout l’UDR dans sa totalité a soutenu Chaban ? « Si Giscard l’emporte alors, dit-il, nos amis se rallieront en ordre dispersé. Ils partiront un à un. Il restera un petit clan de gaullistes irréductibles. Et si Giscard procède à ce moment-là à des élections législatives, l’UDR sera complètement laminée. C’est ce dont je ne veux pas ! »
    « Je resterai neutre », ajoute néanmoins Chirac lorsqu’un député, Didier Julia, lui demande pour qui il votera.
    Noyés dans la foule, à demi terrorisés par leurs collègues, il me semble que, hormis Maurice Herzog, le vainqueur de l’Annapurna, les 42 autres signataires n’ont pas fait beaucoup de bruit. Une fois de plus, c’est Chirac qui est allé seul jusqu’au bout de sa démarche. Il semble qu’il ait fait pire : il a semé le doute chez ses collègues, et leur a rappelé à point nommé qu’ils avaient été élus l’année précédente avec des voix giscardiennes. Ce sont les cadres, les officiers de la garde rapprochée de Chaban-Delmas, qu’il a déstabilisés. Seuls restent à celui-ci les militants.
    18 avril
    Hier, Mitterrand a affronté Chaban sur Europe 1. Aujourd’hui, il était l’invité du petit déjeuner de France-Inter.
    Il est 7 heures du matin. Il a l’air en grande forme malgré, une nouvelle fois, des yeux rougis de fatigue. Dans le studio de France-Inter : Charles Hernu, Georges Fillioud, Maurice Seveno, Gérard Jaquet. Jusqu’à 7 h 45, ses interviewers ne lui posent que des questions sur le Parti communiste. Il répond en tournant autour de ces arguments : le monde a changé, Brejnev a changé, les communistes français ne sont plus les mêmes, etc.
    À une question sur 1936 et le Front populaire, il réplique en contestant avec vigueur que la gauche ait « mis le feu à l’arsenal économique » : « Nous savons [il veut dire : les communistes et les socialistes] que l’inflation fabrique de la fausse monnaie, qu’elle est une atteinte aux petits portefeuilles, et, au contraire, une subvention au grand capital... Pourquoi voulez-vous que le PC, qui est un parti de “petits”, fasse autre chose que moi sur l’inflation ? »
    Interrogé sur la différence qu’il fait entre Chaban et Giscard, il décrit Chaban comme ayant des racines populaires, une certaine conception de l’indépendance nationale et des « idées de progrès » ; il ajoute qu’il ne voit rien de tel chez Giscard. Les deux hommes « auront du mal à se rejoindre parce qu’ils ne se font pas la même idée de la France ».
    Fin de l’émission : le journaliste communiste Jean Le Lagadec s’approche de Mitterrand et s’adresse presque timidement à lui :
    « Heu... Pour le gouvernement ?
    – De monsieur Messmer ? feint d’entendre Mitterrand.
    – Non, le gouvernement que vous nommeriez. Vous avez dit que le Premier ministre serait socialiste ?
    – Pourquoi ? fait Mitterrand en souriant largement. Vous auriez souhaité que je désigne un radical de gauche ? »
    Fâché, Le Lagadec s’éloigne en faisant grise mine, tandis que Mitterrand me demande de le raccompagner.
    Dans la voiture, suivie à distance par un véhicule de police, il me fait part de sa certitude : s’il obtient au premier tour plus de 45 % des voix, il est irrattrapable ; s’il en obtient moins, il est sûrement battu. Il pense que Giscard arrivera en tête à droite au premier tour : d’où son souci de ne pas attaquer trop fort Chaban pour récupérer éventuellement ses voix « populaires » au second tour.
    Il pense que les communistes vont râler, comme Le Lagadec, car il a dit sans les consulter qu’il prendrait un Premier ministre socialiste, s’il était élu. « Je ne vais tout de même pas commencer à les consulter là-dessus ! me dit-il. Je préfère ne pas être élu plutôt que de commencer à négocier sur tout avec eux ! »
    20 avril
    Il y a eu des maladresses tactiques dans la campagne de Jacques Chaban-Delmas, comme celles de

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