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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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unique, était sûr de passer. Ensuite, je lui ai démontré que Chaban n’était pas ce candidat-là, parce qu’il n’était pas un bon candidat et que son image de marque s’effriterait au premier courant d’air. Je lui ai dit qu’au surplus jamais Edgar et Giscard ne se retireraient devant lui. »
    Messmer répond qu’il est d’accord pour se présenter si tout le monde se retire. Chirac sort confiant.
    Le jeudi, en sortant de la messe à Saint-Louis-en-l’Isle, il déjeune aux Finances avec Giscard, Ponia et Juillet.
    « Quand nous arrivons, vers une heure moins le quart, Giscard nous accueille en nous disant qu’il se présentera, quoi qu’il arrive. Quand nous repartons, à quinze heures moins cinq, il nous dit, touché par nos arguments : “Je ne serai pas candidat si Messmer se présente. Je vousen donne l’assurance. À une condition : que vous, Jacques Chirac, vous vous engagiez à déposer ma candidature au Conseil constitutionnel à minuit moins une si Chaban fait une entourloupe.” Je me suis engagé – c’est toujours Chirac qui parle – à rester toute la soirée, jusqu’à minuit, s’il le fallait, dans l’antichambre de Roger Frey.
    « Il n’a mis aucune autre condition politique à la candidature de Messmer, poursuit Chirac. Du coup, je sors de chez lui et j’appelle Messmer pour lui confirmer que la voie est libre. »
    C’est vers 16 heures, pendant qu’il est à l’Assemblée nationale, que Chaban déclare sa candidature. Messmer, Chaban, Guichard, Debré, Sanguinetti, Claude Labbé, Hubert Germain, Jean Taittinger, Pierre Juillet et Chirac se retrouvent à cinq heures moins le quart dans le bureau attenant à celui de Messmer. Un débat s’engage entre Chaban, Debré et Guichard d’un côté, et Chirac de l’autre.
    « C’est vous qui avez fabriqué Giscard en le critiquant, reproche Chirac à Debré. Vous en avez fait un recours naturel pour le changement. »
    Et s’adressant à Chaban : « Giscard sera candidat si vous l’êtes. Après avoir créé le phénomène Giscard, vous appuierez sur le bouton qui soulève la trappe. Quand il sera parti, vous ne le rattraperez pas. Il aura 12 points de plus que vous ! »
    Guichard explose : « Vous faites un chantage abominable, dit-il à Chirac. Il faut que Chaban-Delmas aille jusqu’au bout. Ce n’est pas à Giscard de choisir le candidat de la majorité ! »
    Chirac reprend la parole, sans nuances, en s’adressant directement à Chaban : « Vous êtes un mauvais candidat, lui dit-il, votre image s’effritera en quelques jours. Il va vous arriver le coup du caillou dans le pare-brise : c’est le pare-brise tout entier qui va éclater ! Vous ferez une erreur par jour. Laissez Messmer se présenter ! »
    Chaban finit par dire, excédé, qu’il donnera sa réponse définitive le lendemain.
    Le soir, Michel Debré, déchiré, malheureux, appelle Chirac. « Vous avez assassiné l’UDR et le gaullisme, lui dit Chirac. – Non, c’est vous ! » riposte Debré.
    Le vendredi, Chaban dit zut et décide de se maintenir. Les jeux sont faits. La candidature Messmer est morte.
    C’est donc après, pendant le week-end, qu’est rendu public l’appel des « 43 ». Émoi chez les soutiens de Chaban.
    « Ils n’ont pas été contents ! me dit Chirac comme un enfant qui a plongé son doigt dans la confiture. La suite n’a pas manqué d’intérêt,raconte-t-il. Claude Labbé 23 a voulu faire un coup fantastique : il a réuni le ban et l’arrière-ban des élus UDR. En défendant ma position, j’ai été applaudi par un tiers des présents, ce qui n’était pas si mal ! À la fin, Labbé a voulu faire passer sa motion de soutien de Chaban à l’unanimité. J’ai dit : “Non, il n’en est pas question, je ne soutiens pas Chaban.” Debré m’a supplié de revenir sur ma décision. J’ai dit : “Non, votre motion sera acceptée à l’unanimité moins une voix, la mienne !” »
    Mitterrand à Dijon, le 30 avril
    Dans l’avion, il lit ses dossiers, entoure d’un trait le mot « convertibilité », pour ne pas oublier d’en parler tout à l’heure. Il fait ses comptes pour moi : s’il obtient 42 % au premier tour, il perdra au deuxième. À 44 %, c’est tangent. À 46 %, il sera irrattrapable.
    À Dijon, devant une foule enthousiaste, dans une salle presque entièrement tapissée de roses, il se fait applaudir longuement lorsqu’il dit : « La France est coupée

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