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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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en deux. Nous sommes les colonisés, nous réclamons la décolonisation ! »
    Dans l’avion qui le ramène, il est plus décontracté qu’à l’aller. Il parle de tout, et même de chanson. Sur Juliette Gréco, il me fait cette confidence étonnante : « Je l’aime quand elle ne chante pas. »

    Hier, juste avant que je ne parte pour Dijon, Ponia m’a donné l’enregistrement des paroles prononcées par Pompidou en mars 1973, lors de cette fameuse réunion avec les républicains indépendants que m’a rapportée Chinaud. Évidemment, je me rends bien compte que ce n’est pas pour mes beaux yeux que Poniatowski me remet cette bande. Mais je ne pense évidemment pas qu’il l’ait trafiquée. Qu’il veuille que je sache que Pompidou préférait Giscard, comme je l’ai déjà écrit, j’en suis sûre. Que l’enregistrement soit trafiqué, non.
    D’ailleurs, il me dit que Georges Pompidou lui a lui-même demandé d’enregistrer ses propos : « Je vous demande de le faire, lui aurait-il dit, parce que j’ai des tas de choses à dire, et je voudrais m’en souvenir. »
    Voilà ce que je déchiffre. J’écris mal et j’abrège souvent les phrases, parce que je ne dispose de cette bande que pour quelques minutes :

    « Il faudra donc, dit Pompidou qui se place alors dans la perspective de l’élection présidentielle en 1976, que pour cette élection le candidat de la majorité – moi ou un autre – ait d’emblée une position de force qui lui permette de faire face. Ce qui veut dire qu’il faudra qu’il représente un peu tout le monde. Si ce n’est pas le président sortant, qui représente tout le monde assez facilement, il faudra que ce soit celui qui est en piste qui fasse ce qu’il faut pour représenter toute la majorité, et pas une faction.
    « Vous avez à votre tête une personnalité nationale. Ce qui est à la fois gênant et bon. C’est bon parce que cela donne au Mouvement républicain indépendant son ampleur et sa valeur. C’est gênant parce que cela transforme le groupe républicain indépendant en un groupe chargé de servir une seule personne. Je ne vous en plains pas. Vous pourriez plus mal tomber. »
    Il continue en s’adressant directement à Giscard :
    « Je vous ai toujours dit que, si vous étiez UDR, vous auriez la bénédiction de tous les députés UDR, que vous fascinez quand vous parlez et qui, dès que vous avez tourné le dos, vous maudissent. Il faut que vous dépassiez ce cadre-là et que, tout en ayant vos amis, vous apparaissiez comme une personnalité nationale. Il n’y en a pas beaucoup : il y en a deux, trois, quatre peut-être. C’est tout. La situation pour vous est donc ambiguë : il faut que les républicains indépendants et Giscard, ce ne soit pas tout à fait la même chose. »
    Et de parler de lui : « Ma position, vous la connaissez : s’il le faut, je me représenterai. Mais cette maison est encombrante et lourde, et, par conséquent, si c’est possible, un autre pourra me succéder et je n’y verrai qu’avantage. Ce qui serait fâcheux, c’est que la majorité se divise et qu’elle se trouve en position de faiblesse.
    « Enfin, nous n’en sommes pas là. Malgré mon cancer hebdomadaire, je pense pouvoir, s’il le faut, tenir le coup !
    « Mais il convient que, dans les trois ans, nous réalisions l’union de la majorité. C’est à partir de l’union que nous pourrons ouvrir, prospecter, débaucher. Je suis prêt à aider énormément. Au moins il ne faut pas fermer la porte aux électeurs ni aux élus socialistes et autres, mais encore faut-il qu’on arrive à leur faire comprendre que, l’entente avec nous, cela consiste à venir vers nous, et non pas à ce que nous nous couchions devant eux ! »

    Évidemment, en relisant ces propos que Georges Pompidou a tenus aux giscardiens, on peut comprendre que Giscard se soit senti autorisé à penser que, après tout, Pompidou, loin de lui fermer la voie de l’Élysée, l’incitait à prendre ce chemin.

    Je me rappelle cette phrase de Pompidou, qui, l’année dernière, fit couler beaucoup d’encre, sur son « cancer hebdomadaire ». Pourquoi, contrairement à d’autres journaux, n’ai-je pas noté cette phrase dans mes cahiers ? J’ai oublié.
    En tout cas, aujourd’hui, dans ce contexte, après la mort de Pompidou, elle prend tout son sens. Un peu macabre !
    Premier tour. 5 mai
    Percée de Giscard avec 32 % de voix.
    Recul de Mitterrand par

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