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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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convictions gaullistes. »
    « C’était la carte forcée, résume Couve. On ne peut pas renverser celui qu’on vient de faire élire. Nous devions nous résigner sans trop crier. Mais nous avons dit à Chirac que nous n’aurions pas les yeux fermés à perpétuité ! »
    J’admire sa façon d’être économe de ses mots. Il a tout dit en deux phrases.
    Il poursuit, sur Chirac : « Il a ajouté qu’il voulait coopérer avec l’UDR et qu’elle ne se divise pas. Personnellement, je l’ai cru, car c’est son intérêt. »
    Derrière son flegme et sa maîtrise, son humour anglais aussi, Couve ne se fait aucune illusion : « L’idée de Poniatowski, me dit-il, c’est de faire les élections législatives dans un an, un an et demi, pour faire disparaître l’UDR et apparaître une nouvelle majorité avec les indépendants et les réformateurs. À ce moment-là, il sera Premier ministre et aura chassé Chirac ! »
    Sa conclusion : « On va se mettre à faire la fronde avant de refaire de l’opposition ! »
    À noter que, pour lui, tout, autour de Pompidou, a basculé en 1972 : « Le référendum européen sur l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun a été une faute capitale de sa part. C’est à cette occasion que le destin a tourné. À compter de ce moment-là, tout a échoué. »
    30 mai
    Olivier Guichard soupire, presque de bonheur : « Il y a une justice immanente, me dit-il : personne ne parle du Premier ministre ! »
    Sur le fond, il pense qu’on a changé de régime avec Giscard et que la France ne reviendra jamais plus en arrière. « Les gadgets [re-soupir] Giscard fera ça très bien ! »
    Il est d’autant plus effondré que le 30 mai, aujourd’hui, est précisément le seizième anniversaire du jour de 1958 où Michel Poniatowski, alors directeur du cabinet de Pierre Pflimlin, lui a remis, à lui, directeur de cabinet de De Gaulle, les clefs de l’hôtel Matignon !
    Troisième grosse série de soupirs lorsqu’il évoque les relations entre Chaban et Pompidou :
    « Ces deux-là ne se sont jamais compris. Cela a toujours été la même chose : le malentendu entre eux était permanent. La vie politique est faite de dialogues définitifs entre des gens qui ne se comprennent pas. »

    Albin Chalandon, l’élégance faite homme, costume gris, chemise rayée, me raconte que, au cours de la dernière réunion des « barons » au ministère de l’Intérieur, Chaban a été très bien. Il a tout de suite dit qu’il ne voulait pas de règlement de comptes. Chalandon, lui, a dit qu’il ne voulait pas la politique du pire, qu’il se sentait l’obligation de soutenir Giscard, donc de le soutenir, lui, Chirac, voilà tout.
    Ce qui lui apparaît d’ores et déjà certain, c’est que Chirac veut mettre la main sur l’UDR. Il leur a d’ailleurs annoncé qu’il viendrait aux réunions du mouvement. « Le Premier ministre viendra s’il y est invité », a grommelé Sanguinetti.
    « La force de Chirac, conclut Chalandon, c’est qu’il nous dit en quelque sorte : si vous me suivez, je sauve votre peau ! »
    Pour finir, il me raconte la conversation qu’il a eue avec Giscard, le 12 février 1974, lors d’un déjeuner tête à tête au ministère des Finances :
    Giscard  : « Je me présenterai. J’ai un accord dans ce sens avec Lecanuet. »
    Chalandon  : « Chaban se présentera ! »
    Giscard  : « Il n’osera pas. »
    Chalandon  : « Vous devriez le devancer. Et que va faire J-J S-S ? »
    Giscard  : « Oh, Jean-Jacques, la perspective d’un portefeuille le fera se tenir tranquille ! »
    Chalandon  : « Vous sous-estimez sa folie ! »
    5 juin
    En fait, Jacques Foccart a été le dernier à voir Pompidou, le vendredi après-midi, après Giscard et Jobert. C’est ce qu’il me raconte. Il faut dire que la mort tragique de Pompidou m’obsède encore, même après qu’il a été remplacé.
    Ce jour-là, lorsque Pompidou l’accueille, il est en bonne forme, mais, pendant la conversation, il se met à transpirer abondamment. Il se décompose et demande à Foccart de le laisser, non sans lui dire : « Vous permettez que je ne vous raccompagne pas ? »
    Foccart sort de la pièce, bouleversé, convaincu que le président va mourir. Les aides de camp le trouvent si pâle qu’ils s’enquièrent : « Vous avez un malaise, monsieur le secrétaire général ?
    – Laissez, cela va passer », répond Foccart,

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