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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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flageolant sur ses jambes.
    10 juin
    Départ de J-J S-S du gouvernement. Ahurissant ! Tout mon week-end a tourné autour de cette péripétie non négligeable. À un rythme tel que je n’ai pas eu une seconde pour écrire. J’y reviendrai.
    13 juin
    Avant-hier mardi matin, conférence de presse de Michel Jobert. Il annonce son intention de créer un regroupement vers le centre gauche. « Si ça marche terrible, dit-il drôlement, je ferai l’esquisse de l’esquisse d’un mouvement. »

    Quelques minutes plus tard, à 11 heures et demie, conférence de presse de Jean-Jacques Servan-Schreiber. Dans la salle, sa mère, sa sœur Brigitte, Garcia, son complice du Parti radical, Claudie de Surmont.

    Je reviens sur ce week-end des 8 et 9 juin que je n’ai pas eu le temps de raconter dans ce cahier.
    Et d’abord sur le cas de Françoise Giroud, peut-être l’anecdote la plus significative pour décrire le climat qui règne entre Chirac d’un côté, J-J S-S et son clan de l’autre. Chirac la fait venir à Matignonau moment de la nomination des secrétaires d’État, après que Giscard lui-même a fait dire ou dit à Françoise qu’il la voulait au gouvernement.
    « Écoutez, lui dit-il, je ne vous propose pas un secrétariat d’État, mais une délégation générale à la Condition féminine.
    – Ce n’est pas, lui répond Françoise, ce que M. Giscard d’Estaing m’a annoncé.
    – Oui, mais, dans une délégation, vous serez à l’abri des vicissitudes politiques. C’est beaucoup mieux pour vous.
    – Tout de même, il s’agissait d’un secrétariat d’État.
    – Vous savez, dit Chirac, un secrétariat d’État, ce n’est pas grand-chose, c’est tout juste une secrétaire et une serviette. »
    Françoise sort de chez Chirac, réservée. Elle appelle Giscard au téléphone. Giscard lui dit qu’il va justement voir Chirac à 17 heures. À 16 h 45, Françoise Giroud rappelle Chirac à Matignon et lui donne une réponse qu’il n’attendait pas. Elle dit : « Je refuse la délégation à la Condition féminine. »
    Chirac arrive chez Giscard. Il s’attend, m’a-t-il dit plus tard, à une résistance, voire à une remontrance : mais Giscard n’exige pas du tout la présence de Françoise au gouvernement. Bref, il la sacrifie à Chirac 28  !
    C’est donc dans ce climat que débute le week-end des 8-9 juin.
    Les faits, les voici : dimanche 9 juin, après la reprise des essais nucléaires dans l’atmosphère à Mururoa, J-J S-S convoque la presse à Nancy et déclare que « l’autorité militaire a mis le gouvernement devant le fait accompli ».
    Re- Flash-back  : j’aurais passé un week-end tranquille si Jean-Jacques Servan-Schreiber ne m’avait appelée, le vendredi soir précédent, pour me décrire l’initiative qu’il allait prendre. Interloquée, je lui demande si le nucléaire est dans ses attributions. « Non, me répond-il, mais je suis au gouvernement : j’ai le devoir de parler de ce qui s’y passe. Je ne peux pas vous en dire plus, mais figurez-vous que je suis sûr que Giscard ne me donnera pas tort. »
    Je lui demande : « Et Chirac ? »
    J’ai oublié sa réponse exacte, mais elle était du genre : « Chirac, je m’en fous, et Giscard s’en fout aussi ! »
    Pressentant le début d’une grosse bêtise, et voyant bien que J-J S-S est persuadé qu’il peut tout se permettre dans un gouvernement dont il ne veut pas respecter les usages, j’appelle Françoise Giroud avec toutes sortes de précautions pour qu’elle ne prenne pas mal que Jean-Jacques m’ait appelée directement. Du genre : « Je crois savoir que... », « On me dit que Jean-Jacques va... », « Je crains pour lui que... »
    Françoise craint, comme moi, que Jean-Jacques ne se précipite tête baissée dans une impasse. Elle l’appelle à son tour. Puis me rappelle : « Pas de problème, me dit-elle, je crois que tout le monde est d’accord pour le laisser parler. »
    Franchement, je vois mal comment Giscard pourrait laisser son ministre de la Réforme intervenir sur un terrain aussi important que le nucléaire. D’un autre côté, l’opposition de Jean-Jacques Servan-Schreiber à la dissuasion française est connue. Si Giscard craignait sa position, il n’avait qu’à ne pas le prendre au gouvernement. En tout cas, je comprends que je n’ai que des coups à prendre entre Françoise et Jean-Jacques dans cette histoire, et décide de passer un

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