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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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dimanche tranquille sans m’en préoccuper.
    Je ne suis pas au courant de l’annonce de la conférence de presse nancéienne. Ce n’est que le dimanche soir que j’apprends qu’elle a eu lieu et que la petite phrase contre les essais nucléaires a été lâchée.
    Là-dessus, émoi à Matignon et à l’Élysée : Jean-Jacques est débarqué neuf jours après être entré au gouvernement !
    Il a donc fait une conférence de presse, avant-hier. Plaidant sa bonne foi intégrale, qui n’est d’ailleurs pas à mettre en doute, puisque ce sont ses convictions les plus sincères :
    « J’ai toujours pensé, a-t-il précisé, et je l’avais dit, que la naissance d’une ère nouvelle devait à mes yeux être saluée par le silence nucléaire. Pour des raisons essentielles : 1) Il s’agit d’une priorité politique ; à partir du moment où le gouvernement va demander aux Français un extrême effort de rigueur, des sacrifices pour surmonter la crise économique, l’État doit mobiliser le pays et donner l’exemple, en particulier en suspendant les essais ; 2) Il ne faut pas se tromper d’une guerre ni d’une époque. Le moyen de parvenir à la paix n’est pas le surarmement, mais la réponse au défi social de l’union monétaire. Si les États dilapident leur argent dans des chimères, ils ne peuvent pas relever les défis ; 3) Notre génération a devant elle l’obligation de tout faire pour éviter le risque d’un conflit nucléaire. »
    Il raconte ainsi l’épisode :
    « Il était convenu jeudi dernier que l’affaire des essais serait évoquée lundi 10. Le sachant, l’UDR et les militaires ont fait pression sur le président de la République pour qu’il donne dès vendredi son feu vert aux essais. Le président de la République l’a donné sans que le gouvernement ait eu l’occasion d’en débattre. Dans l’ère nouvelle, il n’y a plus de domaine réservé. Naturellement, la décision finale lui revient. Mais tout problème doit être débattu en Conseil des ministres. En ne le faisant pas, en donnant au président de la République une fausse vérité, j’accuse ceux qui l’ont fait de l’avoir placé dans une situation impossible. Je sais que ce qui a été dit à M. Giscard d’Estaing est faux. Il n’y avait aucune urgence. La vérité militaire était une contre-vérité. »
    Il raconte que le Premier ministre l’a appelé à Nancy, le samedi dans la soirée, qu’il était parfaitement au courant de ses intentions et qu’il lui a donné son feu vert en disant : « Vous pouvez très bien dire que le gouvernement n’a pas été consulté, et que c’était le gouvernement précédent qui l’avait décidé. »
    « Aurais-je dû me taire, conclut-il, choisir de rester silencieux ? S’agissant d’une décision précipitée sur pression du pouvoir UDR et du pouvoir militaire, me taire, c’était renier mes idées fondamentales. »
    Sa conclusion, sans nuances : « L’héritage de l’État UDR est à liquider clairement. Il n’y a rien à garder ! »
    Pour qu’on le comprenne bien, en réponse à une question, il met les points sur les i : « Je souhaite que le gouvernement ne tienne pas compte, pour ses décisions, des vestales de l’UDR. L’héritage gaulliste ne doit pas être considéré comme un atout pour l’entreprise réformatrice. »
    Bref, en quelques phrases, il trouve le moyen de condamner Chirac, qui aurait menti au président, les militaires, l’UDR, le gaullisme et le président lui-même, accusé d’avoir cédé précipitamment à tous leurs chantages !
    J-J S-S est-il tombé dans un piège tendu par Chirac pour lui faire quitter le gouvernement illico presto ? A-t-il voulu, au contraire, mobiliser les réformateurs et convaincre Giscard de se débarrasser des gaullistes et de son Premier ministre ?
    À partir de là, dès le lendemain et pendant toute la semaine, les interprétations des uns et des autres sont à l’opposé.
    Version de Jean-Jacques Servan-Schreiber, telle qu’il l’a donnée dans sa conférence de presse : Jacques Chirac l’a appelé le samedi soir à Nancy et lui a dit qu’il avait tout à fait le droit de parler de la reprise des essais nucléaires, et même de dire que le gouvernement n’avait pas été consulté, puisque c’était le cas.
    Version de Jacques Chirac telle que me la donne Jacques Friedmann, son ami, qui est en même temps son conseiller le plus proche : il l’a

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