Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
évidemment – de dédramatiser la situation. La peur de Mai 1968 reste toujours vivace dans les milieux politiques. Il fait néanmoins un discours ferme, mais de toute façon la grève ne mord pas vraiment : les transports urbains sont assurés à moitié, les trains aussi. Seuls les PTT ne vont pas fort.
    20 novembre
    Départ pour Foulquemont dans l’avion de Mitterrand à 10 heures du matin. Pierre Bérégovoy est du voyage. C’est la première fois que je le vois accompagnant Mitterrand. Il l’a rejoint quelques semaines après le congrès d’Épinay : proche d’Alain Savary, il a fait son chemin précautionneusement, en plusieurs semaines, jusqu’à lui. C’est le seul homme directement issu du monde du travail, un syndicaliste, à faire aujourd’hui partie de l’entourage de Mitterrand. Tout juste, d’ailleurs, car il n’est pas de ses intimes. Au surplus, il a été battu aux législatives de 1973 dans les Hauts-de-Seine.
    Il n’est pas particulièrement jovial, malgré ce petit sourire gêné qui ne le quitte jamais. Je pense que, si Mitterrand a voulu le voir aujourd’hui, c’est parce que le côté populaire de Bérégovoy l’intéresse, lui qui a eu fort peu d’occasions, dans sa vie, de fréquenter un militant – ou plutôt un ancien militant – ouvrier. Ça le change de Jacques Attali.
    Il y a longtemps que je n’ai pas suivi Mitterrand dans une de ses tournées : mon livre 38 sur la campagne électorale et l’élection de Giscard m’a empêchée de me déplacer.
    Sur l’amitié entre Giscard et Schmidt, Mitterrand nous livre ce jugement de Willy Brandt : « C’est normal qu’ils s’entendent bien : ils sont tous deux anciens ministres des Finances, tous deux technocrates, et ils parlent tous deux l’anglais ! »
    Au sujet des communistes, Pierre Bérégovoy, pendant que François Mitterrand se plonge dans les dossiers qu’il a apportés, me dit qu’il y a sans doute eu chez eux un changement. Il croit que Marchais a été mis en minorité dans le parti français et que, parallèlement, le parti russe, au même moment, s’est durci. « Songez, me dit-il, qu’en août dernier Marchais a dit aux dirigeants communistes roumains que rien ne séparait objectivement le PC du PS ! »
    Il n’établit pas de lien absolu, mais se contente de souligner la concomitance des deux démarches. Il n’exclut pas qu’elles soient liées, sans pouvoir en apporter la preuve.
    Au bout de quelques minutes, Mitterrand se mêle à la conversation : « Vous vous souvenez, quand j’ai pris le PS à Épinay. Pendant quelques mois, les communistes ont été d’une parfaite mauvaise foi : tout leur était bon pour dire que je ne voulais pas reprendre notre travail commun sur les convergences et les divergences entre le PC et le PS. Alors, la première fois que je suis allé au siège du parti communiste... vous étiez là, Bérégovoy ?
    – Non, président, j’étais dans la minorité du parti...
    – ... je leur ai dit des choses, mais des choses ! poursuit Mitterrand sans même écouter la réponse de Bérégovoy. Tout ce que j’avais sur le cœur ! Ils en ont entendu, je vous assure ! Eh bien, c’était beaucoup mieux après... »
    Dans la voiture qui nous conduisait à l’aéroport, je l’ai tout à l’heure entendu dire tout bas – se défie-t-il de moi ? – à Bérégovoy : « Il ne faut tout de même pas céder au terrorisme communiste. Il faut que nous gardions notre langage : le plus dangereux de tout serait que, pour plaire aux communistes, nous ayons peur nous-mêmes de dire ce que nous voulons dire ! »

    Déjeuner avec Guy Mollet, le lendemain. L’homme, physiquement, n’a pas changé. Il fume moins, et seulement des petits cigares. Et boit manifestement avec modération. Ce qu’il pense des communistes ? La même chose que Mitterrand. Selon lui, il faut se préoccuper de ce qui s’est passé à Varsovie, où le congrès des partis communistes « frères » s’est réuni en octobre. Il peut s’y être passé des choses, et notamment, sans qu’il en soit certain, un raidissementet une remise en cause de la coexistence pacifique. Il attache de la même façon une grande importance à ce qui se passe en URSS entre Souslov et Ponomarev. Il me cite à ce sujet l’article du Monde d’hier ou d’avant-hier.
    Pour le reste, il hait vraiment Mitterrand. Quelques phrases dans notre conversation :
    « Les gens qui seuls ont réponse à

Weitere Kostenlose Bücher