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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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conversation, la commission des affaires sociales de l’Assemblée est en train de délibérer pour désigner le rapporteur. À la fin de notre entrevue, le nom de ce dernier lui est communiqué : il s’agit d’Alexandre Bolo, notoirement hostile au projet de loi.
    Elle m’assure néanmoins que la solidarité du gouvernement sera totale. Et reste optimiste : « Tout texte qui apportera une amélioration aux problèmes des femmes est mieux que rien. Tout progrès est acceptable. Je n’accepterai pas une loi qui rende la situation pire. Le pire est actuel. »

    « Elle a bien raison : la solidarité du gouvernement est et sera totale », me dit Claude Pierre-Brossolette que je rencontre un peu plus tard dans son bureau de l’Élysée. Il me raconte que, au Conseil des ministres du 27 juin, le président a été très vigoureux, très volontaire sur ce sujet. Du coup, le 13 juillet, au Conseil qui a suivi, les ministres se sont inclinés. Ils connaissaient parfaitement la position du président. Et en prenant la décision de s’en remettre au Parlement, les ministres se sont sentis soulagés.

    De cette conversation avec Claude Pierre-Brossolette au sujet de l’avortement ressortent quelques autres précisions sur les habitudes de travail de Giscard. Il voit Brossolette tous les soirs vers 19 h 15 et reste avec lui environ une demi-heure.
    « En une demi-heure, me dit celui-ci, il a le temps d’aborder à peu près tous les problèmes. Il y a certaines questions sur lesquelles il préfère ne pas me demander un avis oral, ce qui équivaudrait à quelques vastes digressions sur la connerie des gens, etc. Doncj’envoie une petite note bien froide, qui reçoit, en réponse, une autre petite note bien froide, sans digression. »
    Nous parlons de l’image de Giscard. « Peut-être, concède-t-il, n’est-elle pas celle d’un père. Et cela lui nuit. Ce n’est pas vraiment qu’il soit fragile, comme vous dites. Mais parce que son habitude, depuis qu’il est président, est de traiter les Français en responsables, en adultes. Il a une grande volonté pédagogique. S’il a un défaut, c’est celui de croire en l’intelligence des Français. »
    16 novembre
    En commission, avant-hier, tout a donc très mal commencé pour Simone Veil. La commission a bel et bien désigné comme son rapporteur un député de Loire-Atlantique qui répond au nom d’Alexandre Bolo, très hostile à la libéralisation de l’avortement et qui le clame très fort : rien au monde ne le fera changer d’avis.
    Certains députés regrettent ce choix : ils craignent d’être entraînés plus loin qu’ils ne voudraient par une sorte d’adepte de « Laissez-les vivre ». Ils redoutent surtout l’ire de Giscard.
    18 novembre
    Simone Veil sur les écrans d’Antenne 2 livre son premier combat face à l’opinion. Vêtue de rouge, les traits lisses, je la trouve d’une extraordinaire beauté. Elle a préparé son interview la veille, façon Giscard, en subissant le feu roulant de questions posées par tous les membres de son cabinet, qui, paraît-il, ne l’ont pas ménagée. Paradoxalement, les journalistes qui l’interrogent sont moins agressifs que son équipe. Pas d’interrogations morales, encore moins métaphysiques : des questions précises auxquelles elle répond, en cherchant parfois ses mots, par des réponses également précises : oui, elle fait confiance aux médecins pour ne pas commercialiser l’avortement ; oui, elle fait confiance aux parlementaires pour comprendre les problèmes ; oui, elle pense que les femmes continueront à faire des enfants. Et si le Parlement dénature la loi ? Eh bien, on la retirera.
    Son côté « débutante » la sert. Débutante, je m’entends : débutante en politique, débutante au Parlement. Et puis, aussi, la formidable image qu’elle offre aux téléspectateurs : voilà une femme qui a eutous les malheurs du monde, qui a des enfants, qui est ministre, et qui parle d’avortement avec naturel et détermination !
    Comment Giscard a-t-il pensé à la faire entrer dans son gouvernement ? C’était son mari, Antoine, qui faisait de la politique dans les milieux centristes, pas elle. Comment l’a-t-il connue, estimée, imposée ? Il faudra que je le lui demande.
    19 novembre. Grève générale
    Retour d’Irlande où il est allé vendredi matin, Chirac choisit, après réunion avec son brain-trust – Pellissier, Friedmann, Soubie, Marie-France Garaud

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