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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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la Sécurité sociale. Pas de publicité pour l’acte en lui-même.
    Comment envisagez-vous le débat parlementaire ? lui demande-t-on. Elle répond, calme, que dès demain l’Assemblée nationale sera saisie et que la commission des affaires sociales nommera un rapporteur. « Nous savons, dit-elle, la majorité partagée. Lorsque la commission sera saisie, nous verrons les modifications qu’elle souhaite apporter, et si elles défigurent ou non le texte initial. Bien entendu, nous jugerions souhaitable que le maximum de députés de la majorité votent la loi. »
    Au ton de sa voix, on peut juger qu’elle n’attend pas beaucoup de soutien de la droite.
    C’est donc que Giscard, sur cette question précise, de société, a choisi aussi d’enjamber le clivage gauche/droite au sein du Parlement. La gauche ne peut pas ne pas voter la loi, tandis que la majorité peut très bien choisir de ne pas la voter. Dieu, si j’ose dire, reconnaîtra les siens !
    13 novembre toujours
    Françoise Giroud me raconte que Giscard, ce matin au Conseil des ministres, a dit : « Ne vous faites pas d’illusions, il s’agit d’un vote qui va faire perdre des voix à tout le monde, y compris à la gauche. »
    En réalité, cela a l’air de se passer plus mal que Simone Veil le dit, avec Lecanuet.
    La genèse de la loi ? Françoise Giroud insiste beaucoup, un peu trop me semble-t-il, sur le rôle qu’elle a joué en l’occurrence. Elle me raconte que la première rencontre qu’elle a eue avec Simone Veil à ce sujet a eu lieu aux Issambres, sans doute chez Bleustein-Blanchet, en juillet : elles ont tracé un contour, encore brumeux, du projet de loi.
    Suit un déjeuner à Paris. Puis elles se reparlent à l’occasion du Conseil des ministres de Lyon. À ce moment, Simone Veil est convaincue qu’il faut faire passer le texte en octobre, avant le débat sur le budget. Giscard lui dit qu’elle a raison et que ce serait très bien d’inscrire le projet de loi en même temps que le texte sur la condition féminine, fin septembre ou début octobre.
    À la première réunion restreinte, le 25 septembre, Simone Veil expose le projet de loi. Elle est arrivée, selon Françoise, tendue, nerveuse. Le projet a été élaboré avec la coopération de la Justice, notamment avec celle de Schmelck. Cela n’empêche pas que la réunion commence par un échange vif avec Lecanuet. À la fin de cette première réunion, Chirac n’a pas dit grand-chose. Quant à Lecanuet, il s’est contenté de demander à ce qu’on entende ses objections.
    Suite au mardi suivant : Lecanuet met de l’eau dans son vin. Il a déclaré la veille que cette loi était un « acte de mort » ; il fait marche arrière en début de réunion et se contente de dire que l’avortement n’est concevable qu’en cas d’échec de la contraception.
    Chirac, cette fois, s’engage : « Je ne pense pas, dit-il, que toute l’opposition votera. Et je crains une cassure profonde de la majorité. Cette loi est un acte politique qui peut avoir des conséquences graves. »
    Giscard lui répond qu’il est exclu qu’une nation moderne ne se préoccupe pas de ce problème. Chirac en prend acte, de mauvaise grâce.
    14 novembre
    Simone Veil a accepté de me recevoir avant que je rédige mon article pour L’Express . Elle me dit que le président lui a confié ce projet dès le mois de juin. En juillet, elle a déjeuné avec Lecanuet pour en parler. Elle emporte le dossier en vacances pendant le mois d’août, sachant que c’était un problème humain qui préoccupait les magistrats, conscients que les femmes étaient souvent sans défense face à l’avortement.
    « Au surplus, me dit-elle, les magistrats ne sont jamais saisis de faits d’avortement de manière agréable : c’est par des dénonciations qu’ils sont mis au courant d’avortements illégaux et sont obligés de poursuivre. »
    Voilà pourquoi les deux cabinets, ceux de la Justice et ceux de la Santé, ont travaillé ensemble.
    « En cours de route, poursuit-elle, Lecanuet a esquissé une autre solution : il m’a envoyé une femme médecin pour m’en parler. Dans son esprit, seules les femmes qui, ayant suivi un programme de contraception, finissent par se retrouver enceintes devraient pouvoir se faire avorter. Je lui ai dit que, si c’était cela, le projet présenté par le gouvernement, il n’avait qu’à le défendre. Moi, je ne le ferai pas. »
    Au début de notre

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