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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Mauroy envisage de se présenter chez lui, au Cateau. Mais Augustin Laurent l’appelle : il faut que tu te présentes à Lille, lui dit-il. Mauroy se fait tirer l’oreille. Au bout des trois jours de réflexion qu’il lui a laissés, Augustin Laurent le rappelle à 1 heure du matin : « Il faut que tu viennes à Lille : dans deux ans, je me retire et je te laisserai ma place de maire. Cela ne souffre même pas la discussion. Quand le responsable de ma fédération m’a demandé quelque chose, je l’ai toujours fait. Aujourd’hui, je te demande de m’obéir. Mais jure-moi que, si tu es maire de Lille, tu ne seras jamais secrétaire général du PS ! »
    Mauroy jure. Et accepte de figurer à Lille sur la liste d’Augustin Laurent.
    Une fois passées les élections municipales arrive le congrès d’Épinay. Augustin Laurent est approché par Guy Mollet : celui-ci veut faire une large motion de synthèse, qui réunisse le plus grand nombre de gens, pour empêcher les mitterrandistes de s’emparer du PS. Si la fédération du Nord marche derrière lui, Mollet, c’en est effectivement fini du « complot » mitterrandiste.
    Mitterrand, blanc d’inquiétude – c’est Mauroy qui le décrit ainsi –, dit à ce dernier : « Faites quelque chose, parlez à Augustin Laurent, empêchez-le de signer avec Guy Mollet ! »
    Mauroy voit Augustin en conversation avec Guy Mollet et Alain Savary. Il le prend à part : « Augustin, viens, j’ai un mot à te dire. » Augustin le suit et lui dit : « Tu vois, Pierre, tout est arrangé : il faut faire une motion de synthèse.
    – Non ! Ce n’est pas ça qu’il faut faire ! »
    Augustin Laurent le regarde dans le blanc des yeux et comprend tout de suite : « Tu as préparé ce coup depuis longtemps avec Mitterrand, c’est ça ?
    – Oui.
    – Je te laisse faire. Je suis vieux. Prends tes responsabilités ! Moi, je retourne à Lille préparer mon discours pour l’enterrement de X... »
    Il remonte dans sa voiture et disparaît.
    Guy Mollet se rue sur Mauroy : « Où va-t-il, Augustin ?
    – Je n’en sais rien », répond benoîtement Mauroy.
    C’est ainsi, par le basculement dans le camp de Mitterrand de la fédération du Nord, que celui-ci a remporté le congrès, avec l’aide de Gaston Defferre sur sa droite et de Jean-Pierre Chevènement sur sa gauche.
    27 novembre
    Sur Giscard, premier papier important dans Le Monde daté d’aujourd’hui et intitulé, par référence aux propos de Giscard lui-même sur le général de Gaulle : « Un certain exercice solitaire du pouvoir ».
    Terrible sur sa façon d’être et sur sa façon de gouverner. Sur sa façon de disparaître, aussi : sa vie privée a l’air d’être restée ce qu’elle était lorsqu’il était ministre des Finances.
    30 novembre
    Le débat sur l’avortement a donc duré trois jours 41 . Je n’y ai pas assisté de bout en bout, mais j’ai été présente dans la tribune de la presse plusieurs heures, les deux premiers jours, et dans la nuit du dernier.
    Je suis en proie à des sentiments beaucoup plus passionnés que je ne le croyais moi-même sur le sujet.
    Sur Simone Veil, d’abord. Je la revois, tout au long de ces trois longues journées, affrontant quolibets et réflexions absurdes de certains parlementaires, dix fois, cent fois reprenant le micro pour répondre à ces insanités, sans broncher. Car elle n’a pas dû entendre seulement les arguments moraux ou démographiques de Michel Debré ou de Jean Foyer, mais les diatribes minables de députés rouges de colère. Et ce qui m’a rendue, moi, rouge de colère, c’est que, pour dire la vérité, certains de ceux qui parlaient – et en quels termes ! – de femmes avortées avaient sûrement fait avorter leurs maîtresses, leurs petites amies, voire leurs filles ! À moins que ces dernières ne se soient fait avorter sans même le dire à leurs parents...
    Le comble a été atteint par Jean-Marie Daillet, député centriste de la Manche, qui a fait un parallèle insupportable avec les crimes nazis, comparant du coup Simone Veil, dont on connaît le passé, au tortionnaire SS tuant des petits enfants.
    Je me croyais calme, dans ce débat. Le spectacle donné par la plupart de ces hommes dans les travées m’a révoltée.
    Personne n’a aidé Simone Veil jusqu’au 29 au soir. Pas un mot de l’Élysée, pas de soutien gouvernemental, hormis la présence de Michel Durafour à ses côtés.

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