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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Parti socialiste ! Habitués au nid douillet que représentait pour eux la défunte Convention des institutions républicaines, ils n’ont pas prévu que, chez les socialistes, le culte de la tendance était poussé à l’extrême.
    15 décembre
    Je reviens en fin de journée des salons de l’hôtel Concorde, où Chirac vient de faire un de ces coups fantastiques auxquels il nous habitue depuis le fameux appel des « 43 ». Hier, il était Premier ministre. Aujourd’hui, le voici en plus secrétaire général de l’UDR !
    Cela faisait longtemps qu’il le disait, mais personne ne le croyait. Je pense que nous sommes quelques-uns à qui il ne cesse de le répéter depuis l’été dernier.
    Pourquoi ?
    Plusieurs raisons, il me semble. Ce n’est pas qu’il se sente aujourd’hui une fibre plus gaulliste qu’hier. Mais, pour exister face à Giscard et surtout à Ponia, il lui faut un parti puissant.
    Toujours le même malentendu entre les giscardiens et lui : sous prétexte qu’il a été plus que fidèle à Pompidou, Giscard a toujours cru qu’il lui serait totalement dévoué et lui ramènerait l’UDR comme un chien ramène un os à son maître. Chirac, aujourd’hui, n’a pas de maître. Et il veut l’UDR pour lui !
    Sauf que, quand il m’a dit à l’automne qu’il voulait en devenir le secrétaire général, son projet me paraissait fumeux, nombreux étant ceux qui lui en voulaient au sein du mouvement. Je ne parle même pas des « barons », qui l’auraient bien tué, s’ils avaient pu !
    Quant à Alexandre Sanguinetti, il était vent debout contre lui. Avec de bonnes raisons : si Chirac prend sa place à la direction du mouvement, il n’existe plus.
    Autant que je sache, l’opération « prise du pouvoir » a commencé le 12 au soir chez Roger Frey, au Conseil constitutionnel. Chiracnous a reçues quelques heures avant ce dîner, Catherine Nay et moi, et nous a alors fait part de ses intentions. Il nous a dit : « Je vais prendre l’UDR et je fais toujours ce que je dis. »
    L’événement ne m’a donc pas trop étonnée. Ce que je n’arrivais pas à me représenter, c’était la façon dont il allait s’y prendre. Eh bien, le plus simplement du monde, avec détermination et brutalité : au cours du dîner place du Palais-Royal, où les convives ont mangé des huîtres chaudes (je ne savais pas que cela pouvait exister), il a réaffirmé ce qu’il venait de nous dire. Je ne sais pas quelle a été la réaction des barons : la moitié d’entre eux a dû être estomaquée ; l’autre moitié, incrédule. Tous ont ri, sans vraiment y croire.
    Tout ce beau monde se retrouve donc, le dimanche qui suit, dans les salons bondés de l’hôtel Concorde. Au début, l’atmosphère est à couper au couteau entre la minorité chiraquienne et les autres. Autour de Chaban, on crie à la pantalonnade. Guichard est furieux, Debré indigné. Mais, au fond, aucun des députés, aucun des dirigeants n’a intérêt à se fâcher avec Matignon, à l’heure actuelle le seul lieu de pouvoir aux mains d’un UDR. S’ils se coupent de Chirac, ils se coupent du pouvoir.
    De surcroît, Chirac les assure depuis l’été qu’il a sauvé l’UDR, que grâce à lui ils reviendront à plus de cent cinquante députés, et qu’ils feront au moins jeu égal avec les républicains indépendants. À qui d’autre peuvent-ils s’en remettre pour préserver leur avenir ? À Ponia ? !
    Chirac a eu l’habileté d’affirmer qu’il ne prenait le secrétariat général de l’UDR qu’à titre temporaire.
    Il a, pour ce faire, dû contourner plusieurs obstacles ou éloigner quelques interrogations Il lui a fallu d’abord persuader Giscard que, s’il prenait directement en mains les destinées de l’UDR, c’était pour assurer une meilleure harmonie de la majorité. Comme Giscard était apparemment préoccupé par ce problème, il n’avait de toute façon pas d’autre moyen que de lui faire confiance. Et puis il a dû régler le problème d’Alexandre Sanguinetti. Il paraît que c’est Charles Pasqua qui s’en est occupé. Je ne sais pas encore ce qu’il lui a promis. On va le savoir bientôt.
    Il a su surtout convaincre, comme me le dit Albin Chalandon, que « ce qui peut être sauvé du gaullisme le sera par lui, Jacques Chirac, mieux que par l’éclatement du mouvement » !
    1 - Le 2 février 1972, Le Canard enchaîné a publié une lettre de Jacques Chaban-Delmas à Édouard

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