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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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sous des tentes noires et blanches, saluent Giscard. Sous les tentes, la théière sur un plateau, des verres, parfois quelque chose qui mijote sur le feu.
    À Fez, accueil incroyable : des femmes et des hommes qui dansent, des nefars avec des sortes de longues, très longues trompettes d’où sort un son aigrelet. À la porte de la ville, la bâtisse devant laquelle les dattes et le lait sont déposés date de la fin du XVIII e  siècle. Tout autour de nous, ça joue et ça chante. Je me demande ce que Giscard représente pour ce peuple. Peut-être simplement une occasion de faire la fête ?
    Le roi a offert à Giscard un humidificateur à cigares et une pendule Louis XVI. Giscard a offert à Hassan un volume de Jules Verne décoré par Hetzel, et un chien, frère du braque d’Auvergne qu’il possède.
    Au barrage de Moulay Idriss, deux compagnies accueillent Giscard, qu’accompagne le Premier ministre du Maroc. Giscard ne dit pas grand-chose, il sourit, charmant, entouré d’une foule sympathique. On comprend pourquoi les présidents sont si contents de voyager : ils sont partout accueillis à l’étranger mieux qu’ils ne le seraient dans n’importe quel village français.
    La conférence de presse de Giscard à la fin du voyage se déroule dans le patio de l’ambassade de France, à côté d’un petit bassin mauresque bleu, dans l’odeur des roses grimpantes et des bougainvillées fleuries.
    9 mai
    Déjeuner avec André Mousset. Il parle de Chirac dans des termes tels que je suis obligée de croire qu’il me répète le langage qu’on lui tient en haut lieu et qu’il me répercute volontairement. « Chirac, me dit-il, il vaut mieux qu’il nous gêne le moins possible. Pour le moment, il nous faut l’utiliser jusqu’à ce qu’il ne nous serve plus à rien !
    – Jusqu’aux élections ?
    – Par exemple jusqu’aux élections, oui. »
    13 mai
    Qui est Giscard ? Qu’est-ce qu’il aime ? J’essaie en ce moment de cerner sa personnalité, de comprendre comment il gouverne – ou règne, plus exactement –, en rencontrant les gens qui le côtoient de plus près.
    Passons sur le fait qu’il boit du café au lait le matin, qu’il lit le Herald Tribune au petit déjeuner et qu’il trempe ses toasts, ce que me raconte Dominique Reznikof. Dans son bureau, la fameuse pendule porte-bonheur qu’il met à l’heure lui-même. Des photos de lui et de ses enfants. Sa secrétaire, M me  Villetelle, est à ses côtés depuis des années ; il semble qu’elle doive le rester longtemps encore.
    « Son style, me dit Yves Cannac, qui est à l’Élysée et que j’aiinterrogé aujourd’hui, c’est d’abord le souci de ne pas s’en laisser conter. Il est à la fois ouvert et sceptique. Ouvert parce qu’il n’est pas de solution ni de vue si hérétique qu’il la refuse a priori . Sceptique : jamais, pour lui, une solution ne doit être retenue parce qu’elle est évidente et que tout le monde en est d’accord. Il ne veut pas se sentir prisonnier de préjugés, il a le désir vrai de comprendre, avec une acuité intellectuelle sans pareille. Il aime remettre les choses à plat. »
    Il me parle longtemps encore de la détestation de Giscard pour les réunions trop importantes, les interventions qui ralentissent le processus de décision : « La meilleure façon de l’exaspérer, insiste-t-il, c’est de lui faire un discours. Il faut au contraire lui faire des notes très succinctes. »
    Dans son vocabulaire, le mot qui revient le plus souvent est le mot « absurde ».
    Quelle marque veut-il imprimer à son septennat ? Cannac réfléchit : « Je crois qu’il veut faire passer un cap à la société française. Il la considère sincèrement comme menacée par la fascination périodique qu’exercent sur elle des idées fausses comme, disons, l’union de la gauche. Ou par des solutions absurdes, c’est-à-dire qui aboutiraient à un certain type de bureaucratie, ou à un isolement économique. Il a le sentiment aigu de la fragilité des acquis de notre société, tout en étant convaincu qu’il ne s’agit que d’un moment à passer. C’est affaire de réduction des inégalités sociales, de rôle de la classe moyenne, de déclin de la classe ouvrière. »
    Giscard a donc deux objectifs essentiels : la modernisation de la société française et sa stabilisation.
    Cannac me parle du temps chez Giscard : « Le temps de Pompidou était un temps immobile. Quand

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