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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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lieux communs qu’échangent généralement les gens entre eux, du genre : « Mon bon souvenir à votre épouse. » Une sorte de pastiche des bourgeois par des aristos en quelque sorte !
    Il ne craint pas de se mettre en cause lui-même. Par exemple, à l’occasion du dernier Conseil des ministres, où il avait demandé à chacun de faire le bilan de son action. Après le tour de table, il a dit : « Et puis il y a moi. » À la surprise générale, il a fait son autocritique sur deux ou trois points, du genre : « J’ai mal apprécié tel ou tel comportement, j’ai eu le tort de faire telle analyse... »
    Sur l’action politique des uns et des autres, il n’est pas nécessairement indulgent : « Il ne trouve personne, en dehors de lui, qui soit un vrai réformateur. Et surtout pas ses ministres ! » Il juge souvent que ces mêmes ministres sont les porte-parole de leurs services, et il déteste le charabia administratif. Sur le divorce, il a retoqué un texte en disant à son rédacteur : « Écrivez-moi cela en langage contemporain ! »
    Et contrairement à ce que me disaient Cannac et Pierre-Brossolette, F. Giroud le dépeint comme pouvant se montrer quelquefois très dur. Par exemple à Jean Lecanuet qui, l’autre jour, au Conseil, commençait ainsi sa phrase : « Vous allez encore dire que je suis pompeux », il a répondu simplement : « Oui ! »
    Une heure avec Xavier Gouyou-Beauchamps, aujourd’hui, toujours dans la même perspective. Il me confirme que, « quand Giscard fait connaître une décision, c’est en général après un processus très personnel ». Il est assez peu fréquent, en effet, qu’une idée de Giscardait été soumise à différentes instances pour être mise en forme. En général, pour peu qu’il juge qu’elle est juste, elle est immédiatement livrée à l’opinion.
    Le style personnel Giscard, peut-on dire qu’il s’agisse d’un comportement de type « monarchique » ? « Il y a une certaine ambiguïté chez Giscard, admet-il. D’un côté il y a le caractère monarchique, en effet, de son mode d’exercice du pouvoir, mais, en même temps, il montre un vrai respect de l’autonomie des autres. Par exemple, quand il dit : “En ce qui concerne le statut des suppléants dans le cadre des candidatures aux législatives, je suis partisan d’un changement du système”, et que les experts, eux, n’en veulent pas, il n’impose rien : s’il pense que les gens n’en veulent pas, il n’insiste pas. Sa démarche, lorsqu’il estime qu’il faut changer quelque chose, est d’attendre que tout le monde soit d’accord, ou, en tout cas, le plus grand nombre. Il a agi de même pour la loi sur le divorce et sur l’avortement. »
    Giscard a donc, sur le fond, confiance dans le jugement de l’opinion publique. Par exemple, il aurait toujours cru, lors de la dernière campagne, qu’il finirait par être élu, car il était persuadé que le peuple français se rendait compte que Chaban était trop léger, et le programme commun trop dangereux.
    En somme, la confiance de Giscard en l’opinion publique, on ne saurait mieux le dire : c’est la confiance que Giscard a en lui. Mon interlocuteur poursuit d’ailleurs son propos en m’expliquant que Giscard a la certitude qu’il peut faire, lui, ce qui serait interdit aux autres : serrer la main de prisonniers, supprimer les cérémonies du 8-Mai. Tout passe parce que c’est lui qui le fait, parce que c’est de lui que cela vient.
    Donc, il a une préférence pour les relations directes avec l’opinion, il aime les émissions de télévision et se débrouille pour que ses arguments soient accessibles aux Français moyens. Il emploie un langage de bon sens, de sincérité, pas le langage habituel de la dialectique politicienne, et se préoccupe de son image, de celle que les gens se font de lui. Tout cela, basé sur un formidable optimisme.
    Je demande à Gouyou s’il connaît le jugement de Giscard sur Mitterrand lui-même, au-delà du programme commun de gouvernement. Il réfléchit, hésite sur la formulation exacte, puis se lance : « Si Mitterrand s’était moins lié au programme commun, moins aux communistes, je pense que Giscard aurait pu avoir de la considération pour lui. Il méprise l’adversaire non parce que c’est l’adversaire, mais parce qu’il a pris un mauvais parti. »
    Son emploi du temps est assez strict : le lundi, réunion avec l’ensemble de son

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