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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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pourrait le laisser croire. Ce n’est donc pas d’eux que proviendrait le raidissement des communistes français.
    2 avril
    Dans les couloirs de la Maison de la Radio, je rencontre Maurice Schumann, qui vient d’intervenir dans une émission consacrée à Georges Pompidou, mort il y a tout juste un an. Il me raconte qu’il arrivait à de Gaulle de râler lorsqu’il venait de voir Churchill et de dire n’importe quoi sous l’effet de la colère. Du genre : « Qu’est-ce que je fous ici, avec ce con ! Je devrais être à Vichy ! Au moins Pétain,c’est un type pas mal ! » Ou alors, sur Hitler, il disait : « Hitler, au moins, il fait ce qu’il veut ! »
    Schumann a été touché, me raconte-t-il, par une conversation qu’il a eue avec Pompidou quelques semaines avant sa mort. Pompidou se préoccupait beaucoup de l’élection de Schumann à l’Académie française. Il a passé une grande heure à pointer avec lui, vote par vote, les chances qu’il avait d’être élu sous la Coupole.
    « Quand allez-vous préparer votre discours ? lui demande Pompidou.
    – En août.
    – C’est bien tard ! » soupire Pompidou.
    À cette phrase, Schumann a compris que le président n’en avait plus pour longtemps.
    2 avril (suite)
    Lundi, Chirac a reçu à déjeuner beaucoup de ministres, dont Françoise Giroud, Michel Durafour et Simone Veil. Il a parlé de la motion de censure déposée par l’opposition, laissant entendre qu’il préférait faire le gros dos, laisser aller les choses : « Je ne suis pas là, a-t-il dit, pour répondre à l’opposition quand elle me sonne. » Françoise Giroud l’approuve. Simone Veil intervient : « Non, je ne suis pas d’accord, c’est le fonctionnement démocratique normal des institutions ! »
    Chirac, qui aime beaucoup Simone Veil, la coupe gentiment mais fermement, du genre, me dit mon interlocuteur : « Ne m’ennuyez pas avec vos enfantillages. » Ce qui ne fait pas du tout rire Simone Veil.
    8 avril
    La consigne de discrétion au sujet du séminaire gouvernemental a certes été stricte. Tout de même, les langues se délient un peu. D’ailleurs, tous me disent qu’il s’est agi d’une conversation terre à terre, au demeurant très amicale, entre les membres du gouvernement.
    Le dimanche, l’exposé de Giscard sur la politique étrangère a duré un quart d’heure, pas plus. Avec cette précision, importante : « Que le mercantilisme ne nous fasse pas étendre la lèpre à travers le monde ! »  Cela concerne évidemment les ventes d’armes.
    Après lui, Chirac a parlé des rapports avec le Parlement (il en parle en expert, vu qu’il a laissé le souvenir d’un très mauvais ministre des Relations avec le Parlement !). Il l’a fait sur un ton docte et professoral, sans le moindre soupçon d’ironie. Il a recommandé que les ministres reçoivent les députés, qu’ils aillent au Parlement, qu’ils fassent les couloirs, qu’ils n’aient pas peur de la presse.
    « Comment ça, recevoir les députés et les journalistes ? a protesté René Haby 14 . J’ai 150 demandes d’audience !
    – Travaillez le samedi, lui a répondu Chirac, travaillez le dimanche, mais recevez-les ! »
    9 avril
    Motion de censure à l’Assemblée nationale. C’est Mauroy qui parle pour le Parti socialiste et Paul Laurent pour le PC. Mauroy s’en donne à cœur joie : « Le changement est dans le verbe ! s’écrie-t-il. En vérité, vous êtes incapables de prendre des mesures qui iraient à l’encontre des intérêts des puissances d’argent et des privilèges ! » Résumé : « Votre inaction bruyante ne peut rien » : rien en politique étrangère, avec « une Europe creuse dans les définitions et vague dans les intentions » ; rien en politique économique et sociale, dont les deux traits principaux sont l’agitation « dilatoire et ostentatoire ». Bref, « au lieu d’une routine dans l’immobilisme, vous êtes en train de démontrer qu’il existe aussi une routine dans l’apparence du changement » !
    Bon. Chirac ne manifeste pas d’émotion particulière. Il ne fait pas non plus le gros dos et renvoie PC et PS, qui ont rédigé ensemble la motion de censure, à leurs divisions. Cette motion de censure donne à l’opposition de gauche, selon lui, « l’illusion de la cohésion » !
    C’est de bonne guerre. Pendant le discours de Chirac, je vois Georges Marchais qui s’énerve à son banc et

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