Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
Corrèze, les filles de fermiers adhérent à GSL ! »
Échec parallèle de l’UDR chez les jeunes : l’UJP a gardé ses militants, mais tous ont viré dans l’opposition ou dans le jobertisme. Pour retrouver un dynamisme, Chirac est prêt à dire qu’il est d’extrême gauche !
Catherine Nay, de son côté, a rencontré Ponia, qu’elle a longuement interviewé pour Europe 1. À la fin de son interview, Ponia, qui a bien vu que le magnétophone tournait toujours, fait mine de s’inquiéter : « Ai-je dit des choses désagréables sur le Parti communiste ? Vous comprenez, Giscard va la semaine prochaine en URSS, il faut bien lui laisser ses petits plaisirs ! »
Puis il continue sur Giscard et l’UDR, et laisse échapper : « Tout le monde sait que Giscard est toujours le premier militant de l’UDR ! »
André Mousset, qui assiste à l’interview, tousse, gêné : « Des Républicains indépendants, monsieur le ministre ! »
Ponia rigole : « Qu’est-ce que j’ai dit, j’ai dit UDR ? Bien sûr, vous avez raison : Républicains indépendants ! »
Lapsus révélateur ou blague : qui dira que Ponia ne songe pas à annexer l’UDR ?
Autre chose : tout montre que Chirac a laissé tomber le secrétariat général de l’UDR beaucoup trop tôt. Et pour la laisser à André Bord, de surcroît ! Bord n’est pas à la hauteur, il ne réussit pas à faire son trou dans un mouvement où les personnalités ne manquent pas. C’était un militant local. Poussé à l’échelon national, il a révélé son incompétence.
Frantz-Olivier Giesbert, qui fait un livre sur lui, s’est étonné de ce que lui a dit Mitterrand, l’autre jour : il réfléchit beaucoup en ce moment au problème des communistes. Il pense qu’il est tout à fait possible que, d’ici à quelques années, le PC ait pratiquement disparu en France. Il attribuerait cette baisse non pas seulement à la sociologie et à la disparition de la « classe ouvrière », mais à la faiblesse intellectuelle des dirigeants du parti. Tout cela, bien sûr, à vérifier...
15 octobre
Roger Chinaud, toujours ambigu, parfois tortueux, me parle de Chirac. Il le juge desservi par son cabinet, qui laisse se créer autour de lui un climat particulier, comme s’il éprouvait lui-même en permanence la tentation de dépasser le rôle de Premier ministre qui est le sien.
« En fait, termine-t-il tandis que je l’accompagne en voiture à Matignon (ce qui ne manque pas de sel), Chirac n’a d’autre issue que de s’écraser devant Giscard. Pourquoi ? Parce que, s’il n’est plus Premier ministre, il n’est plus non plus le chef de l’UDR. C’est tout simple ! »
Même si Ponia n’avait pas dit de mal des communistes français, le voyage en Russie soviétique de Giscard n’aura pas été aussi joyeux qu’il l’espérait. Le tête-à-tête avec Brejnev, prévu au deuxième jour, n’a pas eu lieu. Les conversations techniques entre les deux délégations ont été annulées.
On s’interroge sur ce camouflet : brusque aggravation de l’état de santé de Leonid Brejnev, ou divergences sérieuses entre la Russie soviétique et la France ? On ne peut croire à la dégradation de l’état de santé du secrétaire général : si c’en était une, ç’aurait été dit, en termes diplomatiques certes, mais tout de même dit.
Donc, c’est plutôt un désaccord politique, sur le désarmement ou sur les questions militaires. C’est tout de même inouï que les Soviétiques se comportent ainsi : on dirait un mauvais film datant de la guerre froide !
21 octobre
Habituel débat sur le budget. Mais ce n’est pas de cela qu’on se préoccupe, dans les couloirs de l’Assemblée nationale : plutôt de l’élection législative partielle de Châtellerault 22 , dans laquelle Pierre Abelin a été très menacé par la candidate socialiste Édith Cresson. Au passage, je la connais bien parce qu’elle sévit – c’est le mot – aux Jeunesses socialistes, où elle a mis tous les jeunes au pas. Pas une tête ne dépasse, aux JS ! Cela ravit François Mitterrand, qui la soutient beaucoup.
Claude Labbé raconte que les députés UDR sont tous très mécontents de la débauche de ministres qui sont allés porter la bonne parole à Châtellerault – et soutenir le ministre centriste Pierre Abelin.
Serge Maffert me certifie que c’est Giscard qui a demandé à Chirac d’aller soutenir Abelin. Il lui aurait
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