Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
gouvernement qui ne fait rien, je pense ne pas disposer d’éléments sûrs !
24-25 septembre
Journées parlementaires de l’UDR. Chacun, ravi de voir les journalistes, a quelque chose à dire, dans ce genre de journées où l’on peut approcher un maximum de gens dans le minimum de temps.
Ainsi Robert Galley me parle de l’UDR : « Ça va très bien, me dit-il. C’est Jacques Chirac qui est le plus fort. C’est à cause de lui que l’UDR est le premier parti de France. Il a su trouver l’équilibre entre le nationalisme de sa jeunesse et le dynamisme d’aujourd’hui. C’est un mélange détonant ! » Pourtant, il ne l’aime guère. Il passe une bonne dizaine de minutes à me parler de son côté électoraliste sommaire, capable d’accorder n’importe quoi pour un siège de député supplémentaire.
Jacques Chirac tel qu’en lui-même... Il ne résiste pas, devant cet auditoire ami, à dire qu’il « pense à sa grand-mère, qui disait toujours : “Dans la vie, il y a des hauts et des bas ; il faut mépriser les hauts et repriser les bas !” ».
Il dit encore : « Il faut agir assez vite pour que personne ne puisse pisser sur les roues de ma voiture ! »
Olivier Guichard, que je rencontre, me dit qu’il est évident que Giscard, en le recevant – ce qu’il a fait avant-hier –, a voulu montrer à Chirac qu’il n’avait pas besoin de lui pour savoir où en est l’UDR. « Dans cette période de difficultés, dit Guichard, on a tendance à s’entourer d’amis, à ne pas s’en remettre à un seul. Avec lui nousavons beaucoup parlé de la région, sur laquelle il m’a semblé très crispé. Il a été choqué par les événements de Corse, choqué aussi par cette sorte de mafia que forment les présidents de conseil régional. Je lui ai dit qu’il ne pouvait pas retourner en arrière sur ce sujet. Il ne peut pas faire moins qu’il n’a promis. ».
Bref, il a trouvé Giscard plus préoccupé par les violences et les revendications régionalistes que par les problèmes économiques !
27 septembre
Le Point s’apprête à consacrer sa une à « Chirac super-star ». Pourquoi ? Parce que, avec la bénédiction de Giscard, il va prendre en main l’organisation de la majorité pour les prochaines échéances électorales.
C’est du moins la version de Matignon : Chirac a dû faire un cirque à Georges Suffert, car il ne me paraît pas que les choses soient aussi claires. Par exemple, Jean Lecanuet a dit il y a quelques jours à Catherine Nay qu’à un président réformateur devait correspondre une majorité réformatrice. Et je n’ai pas l’impression qu’il trouve que Chirac soit un réformateur au sens qu’il donne à ce mot. J’ai l’impression, moi, que tout le monde à Matignon fait du sur-place, en faisant « comme si ». Comme si, entre Giscard et Chirac, c’était l’idylle ; comme si Ponia n’existait pas ; comme si Lecanuet ne prenait pas chaque jour du galon dans l’univers giscardien...
2 octobre
Accrochages sévères des forces de police avec des jeunes, samedi dernier. André Mousset, maintenant au ministère de l’Intérieur, me dit qu’il ne s’agissait pas d’un mouvement incontrôlé. Ce sont des bandes de gauchistes organisés, il s’en dit certain, qui sont passés à l’acte, l’autre nuit, des experts dans l’art de la guérilla urbaine, des professionnels du combat de rues, pas des loubards de banlieue.
Ce n’est pas la première fois : il me cite l’exemple de la porte de Versailles il y a deux ans : là, il s’agissait de militants d’extrême droite. Il y a trois ou quatre mois, à Grenoble, les forces de l’ordre ont trouvé face à elles « 600 terroristes en rangs serrés » – ce sont ses mots. « Ils sont entraînés hors de France, l’argent est libyen, cubain ou chinois. »
Le terrorisme en France a, selon lui, deux origines. La première, c’est l’origine internationale. Carlos, l’Armée rouge italienne, la bande à Baader, l’OLP : il met tout cela dans le même sac. Avant l’attentat d’Orly, par exemple, on a retrouvé la trace de sommes d’argent liquide correspondant aux préparatifs. C’est le terroriste Carlos qui est responsable de la grenade du Drugstore, à Paris. Et Mukabal qui a frappé à Orly, à La Haye, à L’Aurore et à Minute .
Deuxième sorte de terrorisme : le terrorisme autonomiste. Le Front de libération de la Bretagne, les indépendantistes
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