Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
sur lesquels un accord peut être établi, d’autres sur lesquels il faudra discuter ».
Avec le PSU, c’est paradoxalement, me dit Dayan, plus difficile. Plus c’est petit, moins c’est absorbable.
Il paraît, c’est ce qu’on me raconte, que Guy Mollet n’a pas du tout apprécié que, après le deuxième tour des élections, Mitterrand ait fait entrer au contre-gouvernement de la gauche quelques nouveaux membres, dont Gérard Jaquet, un des principaux opposants à Guy Mollet au sein de la SFIO.
4 juin
Mitterrand à la Charité sur Loire. Manifestement, l’attitude de la SFIO et surtout de Guy Mollet l’exaspère. Pourquoi choisit-il la Charité sur Loire ? Parce que c’est chez lui, près de Château-Chinon et qu’il me semble éprouver un vrai plaisir à parler à des ruraux du coin de problèmes politiques généraux. Pour la première fois, il envisage l’hypothèse de sa démission de président de la Fédération. Date avancée : le 1 er octobre prochain, si « la Fédération ne veut pas devenir une Fédération ». « Nous devons être capables de nous dépasser, dit-il, sinon nous perdrons la bataille. »
Une fois de plus, il fait visiter à ceux qui l’accompagnent le bourg, le bistrot, le restaurant. Mais il est préoccupé : il sait que l’opinion de gauche le crédite de la victoire de mars, mais il n’est pas seul maître du jeu.
8 juin
Guerre des Six Jours. Écueil entre le PC et le PS ? J’y reviendrai. En tout cas, on ne peut pas dire que la position prise par le général de Gaulle un peu avant, le 2 juin, sur le conflit israélo-arabe ait étébien comprise ni à Jérusalem, ni par une partie de sa majorité. Même si les Israéliens, hier, ont terrassé l’aviation égyptienne, cela ne suffit pas pour ramener la sérénité dans la majorité. Ni dans l’opposition d’ailleurs.
Quand on voit que Valéry Giscard d’Estaing et Jean Lecanuet ont signé avec Pierre Mendès France et François Mitterrand l’appel du comité français de solidarité avec Israël, on a bien du mal à voir si les convergences au sein de la gauche et de la droite sont égales ou inférieures aux divergences internes au sein de la gauche entre communistes et socialistes !
1 er juillet (notes écrites entre le 2 et 3 juillet)
Quelques jours après que le PSU, autour de Michel Rocard, ait refusé d’entrer dans la Fédération de la gauche 18 , double réunion de la gauche le week-end dernier. Signe qu’entre la SFIO et la Convention le temps n’est pas au beau fixe.
Dans la grande salle de Suresnes, samedi 1 er , pour le 56 e congrès de la SFIO, l’atmosphère est lourde et l’humeur mauvaise. Arthur Notebart, tribun des socialistes du Nord, lance que « pas plus à l’Élysée que dans la Nièvre de François Mitterrand », il n’apprécie le pouvoir personnel. Une grosse pierre dans le jardin du président de la Convention. Notebart vient tout juste d’être désigné par Augustin Laurent 19 , qui prend sa retraite, comme l’un de ses successeurs 20 .
À propos d’Augustin Laurent, cette anecdote : dans les congrès socialistes, depuis plus de vingt ans, le crâne d’Augustin est un baromètre : on l’a vu rouge de colère, pâle de rage ou rose de contentement.
Cette fois le crâne n’a pas rougi, parce qu’en réalité, toute la SFIO est d’accord. Sa tactique est très au point : le parti n’ose pas dire qu’ilest contre la fusion dans une Fédération, mais il pose des conditions insupportables aux conventionnels et aux radicaux : que la Fédération devienne un Parti capable d’abolir les classes sociales et de réaliser la collectivisation de tous les grands moyens de production. On le sait depuis 1946 : quand Mollet devient un leader de gauche musclée, c’est pour mieux barrer la route à ses rivaux
Ce qui est vrai, c’est que depuis deux mois, les frictions sont incessantes entre les amis de Mitterrand et ceux de Guy Mollet. Tantôt c’est Marc Paillet 21 qui met en doute le nombre des adhérents des grosses fédérations socialistes, Nord et Bouches-du-Rhône, tantôt c’est un autre conventionnel qui juge que la direction de la SFIO est « malheureusement inchangée » depuis vingt ans.
Symbole des divergences entre les uns et les autres, ce même jour, les conventionnels se sont donc réunis à Poigny-la-Forêt, à l’auberge des Quatre-Tilleuls, un hôtel cerné de forêts et de chemins, ouvert aux noces et banquets comme
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