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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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« Je le ressens très profondément, me dit-il ; le gouvernement est trop gestionnaire, la pente naturelle d’un ministre est de s’enfermer dans ses dossiers, en tête à tête avec son administration. Nous devons faire davantage de politique, expliquer, convaincre, entraîner. »
    Quant à l’UDR, il me la décrit comme beaucoup plus fragile que ne le disent Chirac et ses amis, car il y a de tout parmi les députés UDR : des ouvriéristes, des gaullistes grand teint, des faux centristes. « Si les militants de l’UDR sont derrière Jacques Chirac, c’est queChirac leur apparaît comme le sauveur, celui qui est allé les chercher au fond de la nuit et qui les ramène au soleil ! »
    Nous restons sur Chirac. Il me dit également comment ce dernier, au-delà de la campagne cantonale d’aujourd’hui, a d’abord dirigé ses coups sur le Parti communiste. « Mais il a vite compris, ajoute-t-il, que taper sur le PC, c’était faire le lit du PS, donc celui d’un éventuel autre Premier ministre, et pas le sien. » Changement de cap, donc, de Chirac qui désormais pilonne le PS, tandis, m’assure encore Durafour, que « le président de la République reste convaincu qu’à terme une négociation s’ouvrira avec le Parti socialiste. Il n’a pas toutes les cartes en mains, je ne suis même pas sûr qu’il en ait une seule : il attend la donne ».
    Sans doute faut-il voir dans ce qu’il me dit de l’ouverture éventuelle de Giscard vers le PS son équation personnelle à lui, Durafour, qui est un centriste de gauche, si j’ose dire, et qui ne verrait pas d’un mauvais œil une rupture entre communistes et socialistes, en même temps qu’un rapprochement entre Giscard et le PS.
    « Giscard est condamné à naviguer à vue, conclut-il, mais Mitterrand aussi ! »
    La mobilisation de la majorité autour des cantonales est tardive mais réelle. À preuve, après ce que m’ont dit Hardy et Durafour, c’est au tour de Dominati 6 de vouloir, en fin d’après-midi, me parler des ennuis de l’UDR. Ah, le bon apôtre ! Avec quel sérieux il se penche sur la faiblesse du parti gaulliste, dont il dit qu’il se porte mal ! « C’est très inquiétant, me dit-il : l’UDR s’effondre ! Toute son organisation reste un squelette : des os, pas de chair ! »
    Il me décrit un Chirac inquiet, énervé, ne cessant pourtant de dire au chef de l’État que tout va bien, très bien.
    Son constat sur le Parti socialiste est sans appel : le PS ne fait rien, se contente de respirer quand il ne se divise pas, quand le Ceres ne fait pas entendre ses discordances, et pourtant il ne cesse de progresser. « On va avoir un Parti socialiste attrape-tout, jure-t-il, qui atteindra les 39 % des voix aux prochaines législatives, et on sera baisés ! »
    Aux cantonales, dans toutes les circonscriptions où le danger communiste n’existe pas, l’équipe de Ponia pousse des candidatssocialistes dissidents. La déviation Hintermann 7 , de ce point de vue, tombe à pic, tellement à pic, même, qu’il est évident qu’elle a été suscitée !
    Dominati poursuit, peut-être plus bavard que d’habitude : « Le congrès du Parti communiste a été épatant pour nous : il a fait peur à des électeurs de droite qui trouvaient qu’ils n’avaient pas élu Giscard pour faire des réformes. C’est à ceux-là que nous pouvons dire désormais : vous ne voulez pas de réforme de l’entreprise ? Attention, vous aurez l’autogestion ! Le Parti communiste a fait du grand spectacle : il a remis les électeurs de la majorité d’accord sur l’essentiel. »
    Plus tard dans la soirée, Serge Maffert commente pour moi par téléphone la décision de Jacques Chirac d’apparaître prochainement (le 19) sur le petit écran, précisément dans le journal de 13 heures d’Yves Mourousi.
    Pourquoi a-t-il attendu autant – la veille des cantonales – pour se montrer ? « Parce qu’il a longtemps estimé qu’il ne lui fallait pas se mettre en avant : le fond de l’affaire, c’est qu’il ne voulait pas rechercher sa publicité personnelle. »
    Le « fond de l’affaire », comme dit Maffert, ne me semble pas être tout à fait celui-là : dès le début, Giscard, convaincu que ses ministres étaient mauvais à la télévision, leur a demandé de se faire tout petits, notamment de ne pas participer à des émissions non politiques comme celles de Philippe Bouvard, le samedi soir, par exemple. Il

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