Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
victoire de la gauche aux prochaines législatives : « Si Mitterrand gagne en 1978, c’est lui qui aura raison. S’il perd, c’est moi ! »
Au fond, si je l’avais poussé – mais je ne l’ai pas fait, donc je ne serai jamais sûre à cent pour cent de ce que je vais écrire –, j’ai l’impression qu’il aurait été jusqu’à me dire que, après l’échec de Mitterrand, il serait, lui, Maurice Faure, prêt à être à nouveau candidat – pour de bon, cette fois.
De Mauroy, il dit : « C’est un très bon professeur de CES, mais il ne peut pas prétendre aller plus loin. » Tandis que Maurice Faure, lui, a « épuisé les joies de son mandat local ».
Il attire mon attention sur la victoire à des partielles de Jean Royer, le champion de l’ordre moral et du petit commerce à Tours, et craint que ce ne soit le début du reflux de la gauche.
25 mai
Fourcade a fini par s’entendre avec les présidents de groupe sur une vingtaine d’amendements. L’accord devrait être possible.
27 mai
Rencontre avec Jacques Dominati. Il essaie de mettre sur pied une organisation qui fasse « éclater » les notables du parti giscardien. Donc, il a eu l’idée d’organiser dans la France entière, le 3 juin prochain, des conventions départementales ouvertes aux sympathisants giscardiens – souvent en l’absence du député ou du notable du coin,considéré au mieux comme un simple spectateur. Ces conventions réunies, chacun, dit-il, y apportera une idée, une volonté, dira : je serais giscardien si... Puis, le 19 juin, se tiendra à Paris, sur l’esplanade des Invalides, une convention nationale où viendront « tous ceux qui le désirent ».
Sous cet habillage séduisant, je crains qu’on n’assiste à un mouvement désormais habituel : faute de trouver de nouveaux adhérents, les giscardiens vont perdre leurs notables ; faute de pouvoir créer une structure nouvelle, ils vont désorganiser l’ancienne !
31 mai
Dîner avec Françoise Giroud, vendredi. Elle parle de l’agacement prodigieux qui règne entre Giscard et Chirac. Notamment à l’occasion du projet pour les femmes qu’elle a présenté au Conseil des ministres du 26 mai 26 .
Si Giscard a fait grise mine sur le sujet, c’est que Chirac avait au préalable déclaré que rien ne le choquait dans le projet de Françoise. Lorsqu’elle en a parlé en Conseil, c’est Giscard et non Chirac qui a eu cette phrase méprisante sur les femmes non mariées : il a interrompu Françoise qui parlait des « compagnons » – pour ne pas dire des concubins – d’une phrase sèche : « Madame, a-t-il dit, les femmes françaises n’ont pas de compagnons, elles ont des maris ! »
Inouï ! Et ses maîtresses à lui, qu’est-ce qu’elles ont ?
Entre Chirac et Giscard, donc, paraît-il, l’atmosphère est non pas de glace, mais électrique. « Comme dans les scènes de ménage, me dit-elle, tout peut toujours arriver. » Sous n’importe quel prétexte.
Un exemple : le sentier du bord de mer que Chirac met à l’ordre du jour d’un Conseil dans le cadre de la préparation d’une loi sur la préservation du littoral. Giscard éclate et raille, méprisant, Chirac : « Ah, ah, le grand projet, fait-il, le périphérique maritime ! »
Chirac, vexé, proteste avec ardeur.
Oui, tout peut toujours arriver...
1 er juin
Débat sur les plus-values.
Quelle agitation ! Devant les députés de l’opposition, rigolards, Claude Labbé y va de son petit couplet, du genre : il y a maldonne, le président a dit dans sa conférence de presse qu’il ne s’agissait de frapper que les spéculateurs, et le texte frappe tout le monde sauf les spéculateurs...
Violente diatribe contre J-J S-S : « En aucun cas ce monsieur ne parle au nom de la majorité, il ne parle en tout cas pas au nom de l’UDR ! » On s’en serait douté.
J’insiste : que fera l’UDR en cas de vote bloqué ? Il me répond sans faiblir : « Je ne préjuge pas de notre attitude. Mais s’il y a menace, s’il y a chantage, je ne peux pas garantir que le gouvernement gagnera ! »
Le ministre des Finances, Jean-Pierre Fourcade, prend la parole en début de débat. Il rappelle que la non-imposition des plus-values risquerait de fausser les revenus réels, et que le dispositif prévu est très modéré : la résidence principale est exonérée, l’initiative individuelle n’est pas pénalisée, il ne s’agit pas de frapper
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