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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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opposés avec force.
    C’est la goutte d’eau...
    « Un jour, poursuit-elle, Giscard m’a demandé mon avis sur Chirac. Il m’a dit : “Alors, Madame, vous ne me dites pas de mal de Jacques Chirac ?” Je lui ai répondu : “C’est une situation que je connais très bien dans le privé. C’est un rédacteur en chef qui sort d’une réunion avec le directeur en disant à ses journalistes : le grand patron vient de prendre une décision, je ne suis pas du tout d’accord avec lui, mais je suis loyal, nous allons appliquer sa décision. Au bout de quelque temps, l’entreprise fait faillite.” Voilà donc ce qu’est à mon sens la situation. »
    Giscard l’a écoutée sans rien ajouter.
    Qui sera Premier ministre ? Selon elle, la décision est déjà prise et le Premier ministre pressenti est parti en vacances en sachant qu’il sera à Matignon à la rentrée.
    Qui cela peut-il être ? Françoise ne croit plus à Raymond Barre ; elle croirait davantage, me dit-elle, à Olivier Guichard. Lequel est parti en vacances, guilleret. Alain Peyrefitte ? Impossible. Robert Galley ? Il est effectivement le petit doigt sur la couture du pantalon. Mais il a l’inconvénient d’être lui aussi lié par l’UDR.
    Attention : elle contribue peut-être à créer un rideau de fumée autour de Barre, trop vite annoncé par les journaux.
    Sur le fond, elle trouve Chirac trop peu contrôlé. Elle dit l’avoir souvent, trop souvent entendu traiter Giscard avec un mélange de condescendance et de familiarité. Dans les conseils interministériels, elle l’a trop souvent entendu dire : « Si vous vous figurez que vous allez faire accepter ça au président, vous vous gourez ! » Elle donne comme exemple le conseil interministériel sur la famille auquel elle assistait avec Simone Veil. Chirac leur a dit à un moment donné, en éclatant de rire : « Si vous croyez que vous allez faire accepter cette mesure par l’actuel ministre des Finances et par l’ancien ministre des Finances devenu président, vous vous mettez le doigt dans l’œil ! »
    Est-ce une façon de parler du président de la République ? demande-t-elle sans toutefois citer le nom de Chirac, qu’elle trouve trop jeune et trop nerveux, confronté pour la première fois à une situation pour laquelle il n’est pas mûr.
    Dans ce registre, Paul Granet me dit dans l’après-midi : « Dans l’Aube, nous ne voyons plus, ni Robert Galley ni moi, un seul militant UDR. Car de deux choses l’une : ou bien nous regonflons nos militants, et, dans ce cas, ils tirent à la carabine sur Giscard ; ou bien nous leur disons d’être compréhensifs avec Giscard, et ils nous accusent d’être achetés par lui. Dans l’impossibilité d’adopter l’une ou l’autre attitude, nous nous taisons, nous nous faisons tout petits pour éviter ne serait-ce que de rencontrer, même, les militants de l’Aube ! »
    26 juillet
    En refusant de m’accorder ce matin une interview radiophonique que je lui avais demandée pour France-Inter sur ses vacances, Chirac m’a fourni plus d’informations que s’il avait accepté de répondre à mes questions.
    Donc, j’avais rendez-vous avec lui ce matin à Matignon. Il me reçoit, énervé et aimable, me dit qu’il ne peut rien me dire ni sur ses vacances, ni surtout sur son avenir à Matignon, et m’envoie chez Marie-France Garaud à qui il demande, devant moi, de bien vouloir répondre à toutes les questions que je lui poserai.
    En quelques mots, elle résume la situation : tout est fini avec Giscard. « Nous nous sommes lourdement trompés. (Nous, c’est Juillet et elle.) Nous nous sommes dit que tout son mécanisme de rapprochement avec les socialistes ne commencerait qu’après les élections de 1978. En réalité, tout son système de gouvernement consiste à penser qu’il faut décortiquer les problèmes, les aplanir plutôt que de les régler par des affrontements politiques. C’est un tempérament monarchique et non pas démocratique. Nos analyses sont donc trop profondément différentes pour que Chirac puisse rester. »
    C’est dit. Comme c’est Chirac qui m’a volontairement envoyée à elle, je ne peux pas douter qu’elle m’ait dit la vérité. Chirac, donc, a choisi de partir.
    « Giscard est un escargot, continue-t-elle. Il faut beaucoup de temps pour comprendre dans quelle direction il va. Si on met unobstacle devant lui, il le contourne, puis repart vers sa feuille de salade,

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