Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
française ».
Chirac tourne Giscard sur sa gauche : du travail bien fait 39 .
Évidemment, ce n’est pas un hasard s’il a choisi cette petite ville de sa circonscription et s’il veut marquer que sa conquête de la France – puisque c’est de cela qu’il s’agit dans son esprit – part de la Corrèze dont il est roi.
4-7 octobre
Giscard en Iran, impérial, traînant femme et enfants dans son carrosse. Obsédé par Jacques Chirac, qui l’exaspère. D’où les innombrables petites phrases sur les contrats (qui ne sont pas « fabuleux », contrairement à ce qu’avait dit Chirac), les élections qui « n’auront pas lieu avant longtemps » (dit-il à l’ambassade de France). Au Premier ministre iranien Hoveyda, il dit : « Vous avez les qualités essentielles d’un Premier ministre, vous êtes un homme de progrès » (Hoveyda, qui sait tout, fait mine de ne pas comprendre).
Jean-Philippe Lecat, qui accompagne le président français, ne parle que de cela tout en ayant l’air de regretter qu’on ne lui parle que de cela ! Manifestement, ils ne s’attendaient pas, les uns et les autres, à ce que Chirac rebondisse aussi vite.
Sur le fond, la conférence de presse de Giscard est épouvantablement décevante : rien sur le Liban, rien sur le Moyen-Orient, pas grand-chose sur le nucléaire – pourtant, deux centrales seront vendues à l’Iran. Il ne pense guère qu’au livre de lui 40 qui sera publié dans les jours qui viennent. Et à Chirac.
12 octobre
François Mitterrand au forum de L’Expansion .
La crise interne à la majorité, la démission de Chirac, la nomination de Barre m’ont fait oublier (je ne suis pas la seule) la situation à gauche. Aussi n’ai-je pas écrit un mot sur Mitterrand depuis la rentrée. Il prend de front les grands patrons présents, avec ironie : « Certains chefs d’entreprise préfèrent l’internationalisation à la nationalisation. » La phrase fait gronder l’assistance, pourtant choisie. Sur ses gardes et poli : c’est comme cela qu’on pourrait définir son public aujourd’hui. J’ai connu, pour Mitterrand, des salles moins circonspectes et des accueils plus enthousiastes. Le couplet final sur les petites entreprises (à protéger contre la voracité du capitalisme qui absorbe tout) ne déride pas les personnalités présentes : il y a là les patrons des plus grandes entreprises françaises, celui de Péchiney Ugine Kulhman, par exemple, qui n’apprécient pas l’allusion !
Le même jour, Raymond Barre à l’Assemblée nationale sur le thème : certaines causes de l’inflation nous échappent, mais elles nedoivent pas nous aveugler. Il parle également de l’impôt sur le capital. J’y reviendrai.
13 octobre
L’impôt sur le capital, que les socialistes viennent de sortir de leur chapeau et dont certains gaullistes s’emparent avec délectation, exaspère Giscard. Il me reçoit avec d’autres dans un des grands salons de l’Élysée. Je pense que c’est au premier étage, mais, c’est idiot, je n’ai pas retenu le chemin que j’ai emprunté pour y parvenir. Je suis incapable de me le rappeler au moment où j’écris ces lignes.
Il arrive donc, très grand, costume bien coupé, gilet gris, chemise rayée, impeccable et souriant.
« Je rigole, répète-t-il, lorsque je vois que les mêmes qui ont vidé l’impôt sur les plus-values de son contenu sont aujourd’hui partisans de l’impôt sur le capital !
« Et puis, continue-t-il, quel impôt ? Ils sont incapables de le préciser dans un texte de loi. Il n’y aura là-dedans ni les résidences principales, ni les secondaires, ni les terres à vocation agricole. »
Trois impôts, manifestement, lui suffisent : sur les successions, sur les plus-values, sur les revenus.
Le capital, c’est non. En fait, il est évident qu’il respecte ceux qui ont de la fortune, pas ceux qui la font. S’enrichir, faire des plus-values, pouah ! En revanche, pas le droit de toucher à ceux qui ont accumulé un capital. Point de vue curieux, certes, qui touche sans doute, sans faire de la psychanalyse, à sa haine des « nouveaux riches » !
Il continue sur l’UDR. Le mouvement gaulliste est-il devenu son ennemi ? Geste de dénégation de Giscard : « Pas toute l’UDR, précise-t-il, une partie seulement, prête à toutes les erreurs, irresponsable et farfelue. »
Question sur le franc : « Comment voulez-vous qu’il soit stable, lorsque, le même
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