Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
présidait), Giscard avait invité Ponia, d’Ornano, Fourcade, Roger Chinaud et Christian Bonnet, et leur avait annoncé sa décision : d’Ornano serait le candidat de la majorité à Paris.
Pendant qu’Olivier Guichard évoque cette succession de réunions et de dîners avec la placidité qui le caractérise, je ne peux m’empêcher de penser à la colère qui a dû être la sienne quand il s’est aperçu de l’inutilité de ses efforts, et surtout de la façon cavalière dont Giscard le traitait. Il n’en dit pas un mot, mais je l’imagine sans peine.
Donc, le 12 novembre, à la candidature grandiloquente et plutôt malhabile de D’Ornano, le RPR de Paris a répliqué par la candidature de Christian de la Malène 6 .
Les choses en sont là : manifestement, la candidature unique à Paris a du plomb dans l’aile. Guichard, aujourd’hui, doute que les choses puissent en rester là.
Téléphoné, en sortant, à M-H G, restée au cabinet de Raymond Barre, qui me révèle que le 13 décembre dernier, juste avant son départ pour l’Égypte et un mois exactement après la déclaration de Michel d’Ornano, le Premier ministre lui avait fait porter une lettre lui rappelant qu’il n’était pas seul, qu’il s’agissait pour lui de conduire une liste d’union, qu’il était le chef de file d’une liste d’entente de la majorité.
« Le sentiment du Premier ministre, me confie-t-elle sans fard, est que d’Ornano va trop vite et trop loin. Il pense qu’il faut très vite faire le point. Et faire des arbitrages. »
Entre qui et qui, je ne sais.
12 janvier
Jacques Chirac rend publiques, mardi soir, ses listes pour les municipales. Je reproduis intégralement dans ce cahier le texte du communiqué tel qu’on me l’envoie depuis la tour Montparnasse, où il a établi son QG de campagne. Une déclaration extraordinairement agressive, offensive en tout cas, dont il me semble que tous les mots ont été pesés :
« Le RPR a pris acte avec regret de la décision hâtive et insolite prise par certains hommes politiques de la majorité de constituer des listes électorales à Paris sans l’accord de ceux qui représentent légitimement le peuple de la capitale et qui ont toujours été les fidèles soutiens du gouvernement.
« Le RPR déplore ces initiatives qui constituent un risque de division et un élément de désarroi chez les électeurs.
« En conséquence, il a proposé à des personnalités représentatives de former de véritables listes d’union regroupant tous ceux, engagés politiquement ou non, qui refusent la mainmise socialo-communiste sur Paris. Ces listes, volontairement incomplètes, sont les suivantes : (suivent les noms des candidats) .
« Le RPR regrette d’avoir été mis devant le fait accompli par certains de ses partenaires et émet le souci que ceux-ci, comprenant leur erreur [membre de phrase rayé] , viennent prendre leur juste place dans le combat dont dépendent l’avenir et la liberté de Paris. »
Eh bé, quel texte ! Cinq jours avant la conférence de presse de Giscard, encore !
14 janvier
Vu Frey, ce vendredi. Désenchanté, fatigué, refusant la mairie de Paris en disant qu’il y a pour ce poste une sorte de trop-plein, et pas de vide. Pas assez, en tout cas, pour qu’il se présente. Le matin, il avait rencontré Giscard, qu’il trouve plein de séduction et plein de défauts.
Il trouve insupportable le personnage-même de Chirac. Il me raconte qu’il l’avait vu à Matignon, en juillet dernier, quelques jours avant que celui-ci envoie sa lettre de démission à Giscard. Chirac lui avait longuement expliqué les différends qui l’opposaient au président de la République. « Bof, lui aurait dit Frey, il n’y a pas là-dedans de quoi fouetter un chat, tous les Premiers ministres ont eu ce genre de problèmes avec tous les présidents de la République. Restez au gouvernement et ne faites pas de vagues, c’est mon conseil ! »
(On me raconte que Roger Frey aurait d’ailleurs été tout droit raconter sa conversation avec Chirac à Giscard !)
Il me reparle de l’affaire de la candidature unique : « J’ai perdu un grand combat, celui de la candidature unique de la majorité pour les élections de 1967. Georges Pompidou était pour, le général de Gaulle n’avait pas d’opinion. C’est Pompidou qui a gagné. Mais, ce jour-là, à ces élections-là, la majorité a perdu. »
17 janvier
Une fois de plus, Giscard
Weitere Kostenlose Bücher