Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
lui. Aujourd’hui, peut-être serait-ce trop tard. Quoique...
Est-ce manque de courage politique ? Manque de confiance en soi ? Conviction que les Français sont moins réformateurs qu’il ne l’a cru au moment de son élection, et qu’il a besoin du RPR pour rester à l’Élysée ? Je note simplement que, ce matin, il est encore certain que la majorité doit reposer sur deux pôles.
Il dit aussi, mais cela n’a rien à voir : « Il y a une époque que je déteste, vous ne trouverez jamais aucun meuble de cette époque chez moi : c’est l’époque Louis-Philippe. Vous n’avez pas idée de ce qu’était la situation de la France en 1840. La France qui, cinquante, quarante années auparavant, était au sommet de sa puissance, était devenue un objet de ridicule dans le monde. » (Il fait là, sans le dire, je le comprends ainsi, un parallèle entre la France de Louis-Philippe et la France de Pompidou.)
Il dit aussi : « Je n’ai jamais changé d’avis, j’ai toujours été un libéral au sens anglo-saxon du mot, et toujours un partisan des réformes. »
10 janvier
Les élections municipales, me raconte Olivier Guichard 5 , entrent dans une phase nouvelle.
Dans les propos qu’il me tient, il remonte à la mise en piste par Giscard de Michel d’Ornano, en novembre dernier, et me fait la chronologie de la candidature de ce dernier.
Bizarrerie de ce cahier : j’avais longuement raconté, à l’époque – c’était l’année dernière –, en direct au micro de France-Inter, la pauvre prestation de Michel d’Ornano, lorsque, au sortir d’une audience avec Giscard, il s’était déclaré candidat à la mairie de Paris depuis le perron de l’Élysée.
Le problème est que d’Ornano, et Giscard pas davantage d’ailleurs, n’avaient cru bon de prévenir de leurs intentions parisiennes ni le Premier ministre, Raymond Barre, ni Olivier Guichard : celui-ci, pendant ce temps-là, cherchait donc un autre candidat que Pierre-Christian Taittinger, auquel Giscard avait un temps fait miroiter la mairie de Paris, et dont il ne voulait plus à l’automne.
« Je trouvais, me dit Guichard, que tout cela, tout de même, ne tournait pas très rond. »
Lorsque Giscard, au début de l’automne, avait laissé entendre que Jacques Dominati, à ce poste, serait idéal, il avait suffi de quelques jours à Olivier Guichard pour se convaincre du contraire : les députés gaullistes de Paris s’en étaient chargés, hostiles dans leur totalité à voir le secrétaire général des Républicains indépendants s’installer au poste de maire alors qu’eux, depuis des années, allaient de quartier en quartier prêcher la bonne parole et arpenter le bitume et le pavé parisiens.
Olivier Guichard, qui se croit chargé – tant bien que mal, il est vrai – de la cohésion de la majorité, m’explique qu’il a pensé alors à demander à Roger Frey de faire acte de candidature : Chirac ne lui a pas paru très chaud ; il a donc laissé tomber cette idée sans même en parler à Giscard. Puis il a pensé à Simone Veil. Sans doute est-ce Jacques Chirac – et non pas, comme il le dit, un autre députégaulliste dont j’ai oublié le nom durant la conversation, nom que je n’ai osé lui faire répéter – qui le lui a soufflé. Peu importe ! Elle avait toutes les qualités pour cela : ministre, populaire, aimée des jeunes et des femmes, symbole de la modernité et de la réforme.
Le 9 novembre, Guichard avait réuni autour de lui, dans un groupe de travail, les secrétaires généraux des quatre formations de la majorité. Trois secrétaires généraux sur quatre, dont Yves Guéna, étaient tombés d’accord sur la candidature de Simone Veil, Roger Chinaud soutenant celle de Michel d’Ornano.
Il me dit qu’il en avait lui-même parlé à Simone Veil, que celle-ci avait accepté la proposition avec intérêt, mais que, les jours suivants, lorsqu’il était allé en rendre compte à Giscard, celui-ci l’avait assuré qu’elle-même ne le souhaitait pas. Comme il savait que c’était faux, il s’est donc bien aperçu que le président n’en voulait pas. Il s’est donc dit qu’il y avait anguille sous roche et que Giscard avait un autre candidat en tête.
D’ailleurs, il me dit – il l’a appris depuis lors – qu’au cours d’un dîner auquel il ne participait pas et dont personne ne lui avait parlé, le 2 novembre (soit une semaine avant la réunion qu’il
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