Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
partir du moment où il a vu, paraît-il, ce que Giscard et Ponia voulaient faire, c’est-à-dire assassiner les gaullistes à Paris, il a foncé.
Je n’exclus pas que ce soit paradoxalement Giscard, en insistant dans sa conférence de presse sur la personnalisation nécessaire du maire de Paris, qui lui ait donné l’idée, cette dernière semaine, de déclarer sa propre candidature.
Je me pose d’ailleurs des questions sur le rôle de Ponia dans tout cela. Olivier Guichard m’a dit, quand je l’ai rencontré il y a quelques jours : « Ponia, un peu comme moi, souhaiterait que les choses s’arrangent à Paris. »
Guéna me soutient au contraire que c’est Ponia qui a tout fait pour « assassiner » les élus gaullistes parisiens.
Gueule de Giscard qui ne s’attendait pas du tout au tour que lui joue son ancien Premier ministre.
Michel Bassi, son nouveau porte-parole, m’appelle le lendemain matin : c’est une atteinte intolérable à la démocratie, les fondements de la V e République sont atteints, c’est un acte inadmissible, un défiincroyable au président et aux institutions. Il menace presque : « À partir de maintenant, je te le dis, il faut choisir son camp ! »
Les rieurs, le premier jour, sont naturellement du côté de Chirac !
25 janvier
Je rejoins Jacques Chirac aux Buttes-Chaumont où il m’a donné rendez-vous : il aura, après l’enregistrement qu’il y fait, une heure et demie pour converser dans la voiture qui nous ramènera des Buttes.
Il commence par me raconter ses craintes – ou ses désirs secrets ? – concernant la majorité : celle de voir les reports de voix au deuxième tour entre giscardiens et gaullistes se faire peu ou mal ; celle d’assister, au printemps, après les élections municipales, à une session parlementaire épouvantable où le nom de Michel Poniatowski sera conspué et sifflé par l’ensemble des parlementaires RPR.
Mais il ne se fait pas d’illusions : c’en est fini de la majorité ; il y aura des primaires dans toutes les circonscriptions à l’occasion des prochaines législatives. Cela l’arrange, dit-il, car il gardera sa position dominante.
Il fait pour moi l’historique de toute cette affaire de la mairie de Paris :
« Giscard aurait très bien pu, dit-il, nommer Poniatowski Premier ministre en 1974 et liquider aussitôt les gaullistes. Les députés UDR, dans l’état où ils étaient, auraient tout avalé sans être en mesure de s’y opposer. Au lieu de cela, il a choisi la stratégie longue. J’ai dit : “Je veux bien vous apporter l’UDR sur un plateau, mais pas pour que vous lui coupiez le cou !” Ils ont donc décidé d’attendre les municipales de 1977 pour liquider les gaullistes à Paris, ce qui est resté depuis plus de deux ans la préoccupation numéro un de Ponia. Ils ont commencé par liquider Pierre-Christian Taittinger, sur lequel nous étions tombés d’accord, parce que Taittinger s’entendait trop bien avec les UDR parisiens ! Alors, évidemment, conclut-il, aujourd’hui je leur fous cette partie de leur stratégie en l’air ! »
Il revient longuement sur son départ du gouvernement. Poniatowski a commis une erreur formidable, selon lui, en croyant qu’il ne démissionnerait jamais et qu’on pouvait lui faire avaler n’importe quoi. « Moyennant quoi, Giscard a essayé de me donner quelques petites broutilles, du genre “coordination de la majorité”. Il m’avait même accordé en mai la tête de Ponia dans le prochain remaniementqu’il devait mettre au point. À peine étais-je rentré à Matignon que l’interministériel a sonné. J’ai eu à l’appareil un Ponia furieux et vociférant ! Il criait si fort que chacun des interlocuteurs présents dans mon bureau a pu l’entendre. Il me disait : “Je serai beaucoup plus méchant à l’extérieur du gouvernement qu’à l’intérieur. Vous avez eu ma peau, j’aurai la vôtre !” Le reste à l’avenant. Naturellement, quelques jours plus tard, il n’était plus question que Ponia sorte du gouvernement ! »
Roger Romani 9 , qui, dans la voiture, assiste à la conversation, confirme d’un hochement de tête. Il me dit même qu’une scène de ce genre entre Chirac et Ponia a eu lieu à Versailles. Il a oublié dans quelles circonstances exactes.
Jacques Chirac continue sur le même ton. Il me dit que le président de la République a fait preuve de la même indécision au sujet de sa
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