Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
de ne pas apparaître comme un diviseur. Et aussi que le RPR ait plus de 30 % des voix. Alors il y aura une dynamique telle que les élections seront gagnées, et seront gagnées grâce à nous ! »
Mais, s’il affaiblit trop Giscard, si celui-ci s’effondre dans l’opinion, ne risque-t-il d’être entraîné dans sa chute ? Il me répond, rigolard : « C’est déjà fait, qu’est-ce que vous croyez ? Giscard s’est déjà effondré, il n’existe plus ! »
Son analyse du mouvement gaulliste : « Il y a deux catégories de gens, ceux qui se rassemblent et ceux que tout divise. Vous ne trouverez pas trois gaullistes d’accord sur une dizaine de points. Ils se rassemblent néanmoins à la première occasion et, en tout cas, à la première crise. »
(Je ne l’interromps pas dans sa lancée, mais je remarque qu’il met entre parenthèses son propre appel des « 43 », en 1974.)
Comme s’il avait entendu une question que je ne lui ai pas posée, il poursuit :
« Il est inutile de vouloir les réduire, les séparer. Ils se recollent toujours. C’est pour cela que j’avais dit à Giscard, en 1974, de ne pas me choisir comme Premier ministre. Dans la stratégie que Giscard voulait adopter, c’est-à-dire réduire le mouvement gaulliste, il n’yavait qu’un Premier ministre possible, Michel Poniatowski. Dieu sait que je l’ai dit à Giscard ! Je lui ai même envoyé Juillet pour l’en convaincre ! Mais ce qu’il y a de terrible, chez Giscard, c’est qu’il veut toujours être le plus fort. Il ne croit pas le plombier lorsque celui-ci lui dit : “Je connais bien ce truc-là, croyez-moi, voilà quand et comment ça ne va pas marcher !” »
Je le cite verbatim . Sauf à vérifier auprès de Giscard ou de Ponia, ce que j’essaierai de faire. Et encore ! Ce serait parole contre parole...
Enfin Jean-François Poncet, convaincu, presque naïf à force de vouloir convaincre de sa bonne foi, de celle de Giscard, de leur désir de justice sociale, d’égalité, d’humanisme...
12 juillet
Discours de Giscard à Carpentras. Discours très politique, très engagé. Quand je pense que l’état-major du RPR, Chirac en tête, lui reprochait de ne pas vouloir en faire assez, de rester presque extérieur à la campagne qui commence ! Il leur démontre le contraire.
À Chirac, il dit en quelque sorte : Imbécile, tu vois bien que je voulais m’engager ! Mais à ma façon à moi, beaucoup plus intelligente que la tienne, comme d’habitude !
Vu Lecanuet ce matin. Chirac, dit-il, sera bien obligé d’accepter que Barre conduise les négociations de la majorité. Et d’être présent lui-même aux rencontres majoritaires. « C’est comme si je disais : Mon frère se marie, envoyez un représentant à son mariage ! »
À propos de représentant, Denis Baudouin est très choqué parce que Giscard n’est pas allé à l’enterrement de Jacques Duhamel : il n’a envoyé que Philippe Sauzé. Alors que lui-même, Giscard, était dimanche à Brégançon, donc près de Sanary, où avait lieu la cérémonie. François Mitterrand a envoyé sa femme. L’absence de Giscard a paru d’autant moins compréhensible qu’une véritable amitié l’avait lié, dans sa jeunesse, à Jacques Duhamel et à sa femme Colette.
12 juillet (suite)
Conférence de presse de François Mitterrand. Sa cible : Giscard après Carpentras. Son objectif : démonter que le président de la République ne peut être à la fois le capitaine d’une équipe et l’arbitre sur le terrain. « La France, dit-il, pas mécontent de sa formule, a besoin d’un président, pas d’un partisan. »
La critique est de bonne guerre : le chef de l’opposition souligne que les dés sont pipés parce que le président intervient dans la campagne. La description par lui de l’équipe majoritaire est à l’avenant : Giscard a pris les Français à témoin d’une querelle interne, Chirac a obtenu ce qu’il voulait : avec des primaires partout où il lui plaira, il apparaît comme le maître du futur scrutin. « Et le Premier ministre, ajoute-t-il, sera le carabinier. »
Il prend un évident plaisir à citer, l’une après l’autre, les prévisions optimistes de Giscard pour pointer, l’un après l’autre également, ses échecs.
C’est l’occasion pour lui de chiffrer ce qu’il appelle le programme commun de la droite : « Nous estimons qu’il doit aboutir à un déficit de 200 milliards
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