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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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gauche non communiste trop faible par rapport au PC, il préfère attendre.
    Mon impression est confortée par la réponse qu’il me fait lorsque je lui demande s’il a en tête une date, une échéance, pour la rédaction d’un vrai programme commun entre socialistes et communistes : « Faire un programme de gouvernement, m’avoue-t-il, cela ne presse pas. Même pas si j’étais sûr de prendre le pouvoir dans quinze jours ! Il ne faut jamais se lasser d’attendre. »

    1 er  mars
    Au milieu des multiples commentaires de la presse, la contre-attaque de Georges Pompidou n’a pas tardé : elle a eu lieu lors du déjeuner de la presse ministérielle, quatre jours plus tard. Le Premier ministre est parti d’une phrase du texte commun pour dénoncer le péril : celui de la dictature que la gauche fait courir aux institutions 5 .
    Devant les étudiants de l’Institut d’études politiques, dans le grand amphi où il est reçu, Mitterrand, irrité, réplique aujourd’hui : « Nous n’avons pas l’intention de connaître le sort du gouvernement du Cartel des gauches de 1924 qui a succombé à une pichenette des banques, ni l’évolution du Front populaire. »
    Autrement dit, c’est sur le plan économique que le texte se situait. Mitterrand, paraît-il, juge qu’il était peut-être maladroit de faire figurer cette petite phrase à la fin du premier chapitre du document. Il s’en veut un peu de ne pas l’avoir remarqué à temps tout en soulignant, philosophe, que, de toute façon, la contre-attaque gouvernementale aurait eu lieu.
    En réalité, l’objectif réel de la contre-attaque de Pompidou est politique : il s’agit de ramener les centristes – ceux d’entre eux du moins qui hésitent encore – dans le giron de la majorité.

    22 mars
    Je ne connais pas bien le mouvement étudiant. Pourtant, chacun sait qu’il se passe depuis le début de l’année des choses à Nanterre, université nouvellement implantée près des bidonvilles et des cités : en janvier, lors de l’inauguration de la piscine du campus, François Missoffe, ministre de la Jeunesse et des Sports, a été pris à partie par les étudiants. L’un d’entre eux lui a crié : « Vous n’osez même pas parler du malaise sexuel des jeunes ! » Il paraît que le ministre lui avait conseillé de faire du sport, sans doute pour dissoudre les humeurs malignes de la sexualité adolescente ! L’échange m’avait fait rire rien qu’à penser à la bêtise de la réponse et à la tête de Missoffe face à ce genre de contestation.
    Plus concrètement, aujourd’hui, des étudiants ont été arrêtés dans le campus pour avoir participé à une manifestation antiaméricaine sur le Vietnam. Du coup, leurs camarades ont créé un mouvement libertaire, baptisé sans originalité « mouvement du 22-Mars », et ont décidé l’occupation des locaux de Nanterre.

    23 mars
    François Mitterrand a réuni ce matin ses proches collaborateurs dans le bureau-bibliothèque de son appartement du 4, rue Guynemer, face au Luxembourg. Ceux qui assistent à cette réunion que je rencontre le lendemain me disent que Mitterrand est en train de changer. Comment ça, de changer ?
    Claude Estier, par exemple, sur un mode sérieux, et Georges Dayan, toujours plus ironique, me disent l’un et l’autre, séparément, que Mitterrand croit désormais que l’arrivée de la gauche au pouvoir est possible, sinon probable. La présidence de la Fédération de la gauche, qui vient de lui être renouvelée pour deux ans, jointe au rapprochement programmatique avec le Parti communiste, lui confère un statut de chef de l’opposition, ce dont il n’était pas toutà fait sûr avant le 24 février. Paradoxalement, me disent les lieutenants de Mitterrand, le fait que le Premier ministre en personne se soit attaqué à lui à plusieurs reprises lui a donné la mesure de son propre pouvoir.
    Il aborde la rentrée parlementaire du 2 avril avec confiance en son étoile. Pourtant, c’est le trac au cœur qu’il prépare dès maintenant l’émission « En direct avec », dont il est l’invité le 8 avril prochain. Personne ne connaît les trois journalistes, qui ne seront sans doute pas des tendres, auxquels il devrait être confronté. Mitterrand a contre eux un atout que peu de gens connaissent : il lui arrive d’aimer qu’on ne l’aime pas.

    8 avril
    En compagnie d’autres journalistes, j’ai attendu tout à l’heure Mitterrand

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