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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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parle, mais il n’est pas loin de partager mon point de vue. Quant à Mitterrand, il est sans doute le plus exaspéré par cette lenteur. Mais il est aussi le plus patient. « Tout ce qui permettra d’aller vers la fusion est bon, répète-t-il, à condition qu’elle ne devienne pas un méli-mélo ! »

    15 février
    Réunie à Meulan, près de Paris, la Convention des institutions républicaines a été la dernière des trois formations de la gauche, le 3 février, à se prononcer sur les nouvelles règles de la Fédération. N’exagérons rien : ce n’est pas encore la fusion, non ! Mais c’est un petit début : le comité exécutif de la FGDS va siéger dans sa forme pondérée, avec une plus juste représentation des partis qui la composent.
    Traduction immédiate : Maurice Faure et Félix Gaillard vont faire leur entrée au bureau politique de la Fédération.
    La nomination de Maurice Faure n’est pas surprenante : il a pris l’année dernière, selon son expression, « le train fédéral en marche », quand il a été obligé de se rapprocher des communistes, dans le Lot, entre le premier et le deuxième tour des législatives. Aujourd’hui, de wagon en wagon, il enjambe les soufflets pour s’approcher de la locomotive.
    De Félix Gaillard, la démarche est plus erratique encore : ironique et sûr de lui, complet impeccable et lunettes fines, cet ex-plus jeune président du Conseil de la IV e  République – ce qu’il était au moment du 13 mai 1958 – est resté, depuis le retour du général de Gaulle au pouvoir qu’il n’avait pu éviter, dans une élégante expectative. Il y a quelque chose de comique à le voir participer au haut commandement de la Fédération, alors que tout récemment encore, au congrès de Toulouse, il disait, sceptique, que « la fusion en un seul parti n’était ni sérieuse, ni solide » !
    Passons.

    24 février
    Elle a finalement eu lieu, cette rencontre au sommet entre communistes et fédérés, au bout d’une série inouïe de réunions et de séances de travail dont je n’ai pas jugé bon de tenir la chronique au jour le jour.
    Toujours est-il que communistes et fédérés étaient tous là, ce matin samedi, au siège de la Fédération de la gauche, autour de Waldeck Rochet, rigide et serein, et de François Mitterrand, plus solennel encore que de coutume dans ce genre de circonstances. Au bout de huit mois de travail, les leaders des deux formations ont rendu publique une plate-forme commune qui délimite, au moins pour le moment, leurs engagements respectifs.
    Le texte de cette plate-forme a une histoire déjà longue et compliquée, que je résume ici pour les générations futures...
    Le groupe de travail mixte conduit par le communiste Paul Laurent 4 , dont les accents traînants masquent souvent la combativité politique, et le radical Michel Soulié, avait mis trois mois, de juillet à octobre 1967, à rédiger un premier texte commun. Mitterrand n’avait pas voulu le rendre public avant de renforcer la cohésion de la Fédération. Il préférait attendre qu’aux congrès radical, socialiste et conventionnel, le feu vert eût été donné à l’accélération de la fusion, avant d’aller plus loin dans la démarche unitaire.
    Donc, il n’a repris le texte commun d’octobre qu’au cours du mois de janvier. Repris à tous les sens du mot, d’ailleurs, puisqu’il l’a en partie réécrit à la main, de son écriture irrégulière. Les communistes, furieux, ont jugé son procédé « stalinien » !
    Les remous ne se sont calmés qu’au début février, lorsqu’une commission bipartite restreinte a mis au point la dernière version. La bonne, celle-ci.
    À peu près trente feuillets pour lister les points d’accord et les points de désaccord. Sans entrer dans le détail, on peut dire que, sur les institutions, la politique économique et sociale, l’entente est large.Seuls le montant du salaire minimum garanti et l’étendue du secteur nationalisé font problème.
    L’idylle se rompt, comme désormais chacun le sait, sur la politique étrangère : construction européenne et Pacte atlantique séparent les communistes des socialistes.
    Accord limité, donc. Mitterrand n’a pas envie d’aller trop vite. Il préfère donner à la Fédération de la gauche l’occasion de devenir un rassemblement aussi puissant – et même davantage – que le Parti communiste. J’ai l’impression que, tant qu’il sent la

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