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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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même poids ? Je ne le pense pas.
    Car, pendant ce temps-là, cet après-midi par exemple, règne au Parlement une senteur de fin de règne. Les députés gaullistes maugréent. Ils ne jugent pas ce référendum nécessaire. Quand ils se rendent dans leurs circonscriptions, en fin de semaine, ils écoutent ce que leur disent leurs électeurs : pourquoi ce référendum, à quoi sert-il ? Les gens ne comprennent pas.
    Le député gaulliste moyen ne comprend pas non plus.
    Scène du Parlement, hier : un député ronchonne en déclarant que, à force d’attendre Grouchy-Pompidou, la majorité gaulliste risque de voir venir Blücher-Giscard. Un de ses voisins s’exclame, en écoutant le ronchonneur, qu’il vient d’apprendre par cette déclaration le nom de la bataille qui se livre en ce moment : Waterloo !

    Quant à Giscard d’Estaing, il répondra « non » au référendum. Pas « oui », pas « oui mais ». « Non », tout simplement. Il l’a dit au comité directeur des Républicains indépendants, aujourd’hui : celui-ci qui, dans sa majorité, ne veut pas quitter la famille gaulliste, a laissé à ses membres la liberté de vote. Cela arrange tout le monde : ceux – les députés surtout – qui craignent de quitter le cocon du gaullisme (et de ne pas être réélus !), et Giscard, qui prend ses distances tout en affirmant sa liberté personnelle sans entraîner les siens vers le « non ».
    Pour le coup, il reste dans la ligne qu’il a choisie depuis décembre. Il a toujours dit que le référendum n’était pas opportun, que les textes référendaires ont été élaborés dans un secret regrettable. Cela fait des années – depuis 1967, en tout cas – qu’il condamne, sans susciter le moindre écho, l’« exercice solitaire du pouvoir ». La seule réponse qu’il ait reçue a été son éviction du gouvernement. Je ne vois pas pourquoi il deviendrait docile maintenant.
    En plus, il a regardé les derniers sondages : le « non », selon eux, obtiendra la majorité dans la jeunesse, parmi les travailleurs et les intellectuels. Cela fait beaucoup. Il interroge à la cantonade : « Un pays peut-il construire son avenir sans leur assentiment ? »

    17 avril
    Poher, jeudi soir à la télévision pour la campagne officielle à l’ORTF. Il se fait rassurant, chattemite : si le Général part, il le regrette sans pouvoir l’empêcher. Mais le gouvernement restera en place, le Parlement aussi. Et lui-même, s’il est président par intérim, empêchera que la France tombe dans le chaos.
    Inimaginable, la façon dont ce type est devenu en quelques jours le principal adversaire du général de Gaulle ! Quant on sait que, sénateur-maire de la ville d’Ablon, dans le Val-de-Marne, il avait été élu, presque par surprise, à la présidence du Sénat, en octobre dernier, qu’il était inconnu des Français il y a encore un mois, on a peine à croire qu’il se soit imposé aussi vite dans le paysage politique français. Ce chaleureux partisan de la construction européenne, ami de Robert Schumann 12 , collectionneur de timbres, amateur de petits trains électriques, était depuis un an, d’après la Constitution, numéro 2 de l’État 13 , ce que les Français viennent de découvrir. Il est maintenant numéro un de l’opposition.
    On n’imaginerait pas que ce notable replet, qui ne manque pas d’éloquence – d’une éloquence de sénateur, celle de M. Prudhomme –, puisse être aussi présent d’un bord à l’autre de l’Hexagone ! Il a tout ce qu’il faut pour exaspérer le Général : il est sénateur, et on comprend maintenant ce que de Gaulle veut faire du Sénat. C’est un ancien MRP, ce qu’il a en horreur. Il est président de l’Assemblée des communautés européennes : on sait ce que de Gaulle en pense !
    Ce qui fait sourire, c’est qu’il avait précisément été élu à la présidence du Sénat pour renouer le fil du dialogue avec le Général après la rupture avec Gaston Monnerville !

    Petite anecdote sur Gaston Defferre : alors qu’il s’exprimait à la télévision au nom du PS à l’occasion de la campagne officielle, les téléspectateurs l’ont entendu dire, au moment de son adresse finaleaux Français : « C’est pourquoi je vous demande de voter “oui”. Enfin, je veux dire “non”, bien sûr ! Excusez-moi. »
    La surprise passée, on a eu le fin mot de l’histoire. Je ne savais pas que les hommes

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